¡BLACKOLERO!

Frank Black, Black Francis, Pixies, Breeders

03 février 2006

I - De Charles Thompson à Black Francis (1965-1987)

Né en 1965 à Boston, Black Francis / Frank Black, qui n’est encore connu que sous le nom de Charles Michael Kittridge Thompson IV, connaît une jeunesse mouvementée. Il a tout juste un an quand ses parents se séparent. Sa mère se remarie avec un agent immobilier qui investit comme d’autres jouent au poker et dont les revenus en dents de scie provoquent de nombreux déménagements. La petite famille finit par se fixer à Los Angeles en 1973, mais changera plusieurs fois de quartier les années suivantes.

Très tôt, le jeune Charles se découvre une passion pour la musique, encouragée par sa mère, son père et son beau-père, qui n’hésitent pas à mettre tous la main à la poche pour la satisfaire. Il apprend plusieurs instruments mais se décide assez tôt en faveur de la guitare. Il s’intéresse aussi, avec un enthousiasme qui n’empêche pas le recul, à la Bible – essentiellement à l’Ancien Testament – et aux ovnis (sa mère et d’autres membres de sa famille auraient eu plusieurs fois affaire à eux).

Adolescent timide et quelque peu sauvage, Charles privilégie les loisirs solitaires comme la lecture, l’écriture, le cinéma et bien sûr la musique. Remarquablement imperméable aux modes, il écoute tout et n’exclut rien, et ne laisse à personne le soin de modeler ses goûts. Donovan, les Beatles et Peter, Paul et Mary sont alors ses idoles ; il ne découvrira le punk-rock (les Ramones et Iggy Pop) que bien plus tard, au milieu des années 80. Tout naturellement il commence à composer des chansons.

De retour dans le Massachusetts pour étudier (1983), il prend tout de suite en grippe le monde universitaire, et plus encore le milieu estudiantin, ce qui ne l’empêche pas de se lier d’amitié avec un de ses camarades de chambrée, un certain Joey Santiago, guitariste débutant mais doué, avec qui il partage certains goûts musicaux ainsi qu’une flagrante incapacité à se couler dans le moule universitaire. Né à Manille (Philippines) le 11 juin 1965, Joey étudie l’économie dans le seul but de rassurer son père, un riche anesthésiste qui le verrait bien en businessman.

Désireux de changer d’air, Charles participe à un programme d’échange culturel qui l’expédie pour six mois à Porto Rico, fin 1985. Ce séjour est une déception à bien des points de vue, mais il a au moins le mérite de lui inspirer la décision la plus importante de sa vie : celle d’abandonner ses études pour se consacrer entièrement à la musique. D’abord hésitant, Joey finit par suivre l’exemple de son ami.

Entre deux répétitions, Charles et Joey recrutent une bassiste, Kimberley (dite Kim) Deal, et un batteur, David Lovering. Née à Dayton, Ohio, le 10 juin 1961, Kim a de la présence, de la détermination et de l’humour à revendre – autant d’atouts qui font oublier à Charles qu’elle n’a encore jamais touché à une basse de sa vie. David (né le 6 décembre 1961), pur Bostonien et électronicien touche-à-tout, pratique la batterie avec talent, mais très occasionnellement et sans ambition particulière.

Authentiques autodidactes, tous – à l’exception de Charles, de loin le plus ambitieux de la bande – manifestent un étrange mélange d’enthousiasme et de détachement, frôlant la désinvolture. Pourtant, en quelques mois seulement, les Pixies (ainsi se sont-ils baptisés sur la proposition de Joey) se construisent un répertoire impressionnant et largement original, aux deux sens du mot. Dès septembre 86, ils enregistrent une première cassette comprenant une quinzaine de titres, dont une seule reprise, In Heaven, chanson tirée du film de David Lynch Eraserhead.

Les Pixies ne passent pas longtemps inaperçus. Leur look (presque plouc), leur style (on ne peut plus sobre), leur musique (à la fois agressive et enjôleuse, tout en contrastes), leurs lyrics (dépourvus de messages mais truffés de références plus ou moins évidentes à la Bible, au surréalisme ou à la psychanalyse) prennent à contre-pied un public gavé de rock lourd et conformiste. Charles en particulier – rebaptisé Black Francis – fait sensation avec sa voix capable de toutes les audaces et de toutes les mutations.

Grâce à Kristin Hersh, leader des Throwing Muses, un autre groupe atypique signé par le label britannique indé 4AD, les Pixies rencontrent Gary Smith, ingénieur du son aux studios de Fort Apache, qui les convainc d’enregistrer des démos pour lui. Charles prend l’affaire très à cœur. La veille du grand jour, il enregistre quinze démos en version solo et acoustique, histoire de se roder (ces démos composeront bien plus tard le premier disque du double album FrankBlackFrancis). Le lendemain, les Pixies entrent en studio pour une session de trois jours, au cours de laquelle ils mettent en boîte dix-sept titres originaux.

Nous sommes en mars 87. Peu après, toujours grâce à Kristin Hersh, le groupe se trouve un manager de renom, Ken Goes, puis un label, 4AD…

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