¡BLACKOLERO!

Frank Black, Black Francis, Pixies, Breeders

07 août 2006

Frank Black : "Ma méthode pour faire une setlist, c'est la paresse !"

Exclusivité Blackolero : voici la deuxième partie de l'interview de Frank Black réalisée en juin dernier par Dean Katsiris et Brian Salvatore. Où l'on apprend, entre autres, que le King a parfois du mal à mémoriser ses chansons, et que l'affaire Schwarma pourrait fort bien ne pas être un gag...

* * *

Q : Avec les Catholics vous n’aviez pas de setlist, vous choisissiez les chansons au fur et à mesure dans un répertoire d’environ 50 titres que vous aviez bien répétés. Comment choisissiez-vous les chansons que vous alliez jouer à chaque concert ?

FB : On jouait celles qu’on arrivait à se rappeler ! [rires] Ça se faisait au feeling, je n’y ai pas vraiment réfléchi... On jouait ce qui nous faisait plaisir sur le coup. Ma méthode pour faire une setlist, c’est la paresse ! J’ai peut-être un réservoir d’un certain nombre de chansons, mais il y en a qui ont été répétées, parfois enregistrées ensuite, d’autres que j’ai mis longtemps à écrire, mais ce n’est pas toujours le cas. Il y a des chansons que j’ai écrites très vite, de façon très spontanée, ou bien dans une espèce de frénésie presque névrotique, quand on est comme perdu dans l’univers de la chanson, et celles-là sont pleines de petites excentricités... Comme par exemple San Antonio TX sur Devil’s Workshop ou, pour prendre un exemple dans le nouvel album, If Your Poison Gets You. Une chanson comme celle-là, je pense me rappeler comment la jouer, mais vous savez quoi ? Je l’ai écrite sur un ukulélé, et en général, quand je pars en tournée, je n’ai pas d’ukulélé sur scène [rires], donc je dois la transposer pour la guitare. Et si je n’en ai pas le courage, alors je ne joue pas cette chanson, parce que je ne sais plus comment la jouer, ou bien parce que c’est une petite mélodie tellement compliquée que je ne me rappelle même plus comment j’ai bien pu l’écrire – elle me paraît vraiment étrangère... pas quand je l’écoute, mais quand je dois m’asseoir pour la jouer. Je me souviens d’une répétition avec les Catholics, un soir de tournée, on jouait San Antonio TX, et elle nous donnait tellement de fil à retordre, les changements d’accords étaient si rapides, c’était du genre [il chantonne] "change-change-change-change-change-change-change-change" [rires]... C’était assez dingue. On l’a jouée, mais ce n’est pas quelque chose qu’on avait envie de faire tous les soirs. C’était plus facile de se laisser aller, et c’est exactement ce qu’on a fait.
Dans un monde parfait, je connaîtrais toutes mes chansons par coeur – il paraît que Bruce Springsteen sait toutes les siennes –, je serais toujours prêt à me lancer à n’importe quel moment... mais ça fait vraiment trop de couplets à se rappeler !

Votre dernier album est Fast Man Raider Man. Ces chansons-là sont-elles plus fraîches dans votre mémoire que, par exemple, ce que vous avez écrit il y a quinze ans ? Ou est-ce que c’est juste au feeling, un jour vous avez envie de jouer Big Red et le lendemain Fitzgerald ?

Je n’ai pas fait de tournée pour Honeycomb et je n’ai pas encore joué le nouvel album sur scène. Les seules chansons que j’ai jouées live ces deux dernières années ont été celles des Pixies. Donc, en ce qui concerne Honeycomb et Fast Man Raider Man, mon corps n’a pas encore mémorisé ces chansons. Mais je vais devoir les bosser, parce que le public veut entendre au moins certaines d’entre elles...

C’est donc cela qu’on entendra sur votre tournée solo cet automne ?

Je ne sais pas encore, parce que je n’ai pas encore répété avec le groupe. Pour l’instant, j’ai beaucoup de chansons parmi lesquelles piocher, et tout ce que je veux, c’est faire un bon spectacle. Ce n’est pas vraiment important pour moi de faire la promo de mon nouvel album, je ne veux pas arriver et dire "Okay, voilà mes trucs de Nashville !" Evidemment que je veux jouer mes nouvelles chansons ! Mais c’est toujours risqué, parce que les gens disent "Bah, on ne la connaît pas cette chanson-là, joue-nous quelque chose qu’on peut reprendre en choeur !" Et je comprends cette attente du public, parce qu’il m’arrive aussi d’être dans le public, et quand je vais voir quelqu’un en concert je n’ai pas forcément envie d’entendre des trucs que je ne connais pas. Ce n’est pas évident à réussir. Il faut vraiment y aller et se donner à fond pour séduire un public avec des chansons qu’il ne connaît pas. Mais c’est aussi la seule façon de retrouver un peu de fraîcheur, de se renouveler. […] A défaut de pouvoir remonter le temps et tout recommencer à zéro, le plus proche que vous puissiez faire est de jouer devant un public de la musique qu’il n’a jamais entendue auparavant. Parce que c’est ce qui se passe quand on débute : on vient de former son groupe, on a peut-être sorti un album sur un petit label quelque part, mais les 50 personnes qui sont venues vous voir un jeudi soir ne vous connaissent pas, ne connaissent pas votre musique, elles sont seulement venues voir ce que vous valez. C’est un peu l’impression qu’on a quand on fait une première partie, parce qu’on joue devant le public d’un autre, et on peut se dire "D’accord, personne ici ne sait qui je suis, mais je peux jouer ces dix chansons et essayer de les conquérir." Le problème avec ce genre de situation, c’est que les gens ont acheté leur billet pour voir la tête d’affiche, pas la première partie, et même si vous jouez superbement vos chansons, ils sont toujours plus ou moins distraits par l’attente de ce qui suit. C’est pour ça que je n’aime pas trop faire des premières parties. J’aime bien le faire pendant quelques jours, une semaine ou deux peut-être, mais à la longue ce n’est pas tellement marrant.

Bref, pour ce qui est de ma prochaine tournée, pour le nouvel album, je vais jouer avec deux types venus de Nashville (1) et un type venu de mon passé, Eric Drew Feldman...

Oh, excellent.

... Donc ce sera un simple groupe de quatre musiciens.

Et vous vous ferez appeler Schwarma (2) ?

Non ! [rires] J’adorerais ça, mais Schwarma est quelque chose de tout à fait différent. Oui, je veux faire du rock, ce qui ne veut pas forcément dire "faire beaucoup de bruit" ou "être agressif", bien que cela puisse aussi prendre cette forme-là. On a envie d’impressionner le public d’une manière ou d’une autre. Et c’est dur, parce que parfois on est chaud, et d’autre fois non [rires]. Et j’aimerais bien être capable de le faire tout le temps, j’aimerais bien pouvoir être Tina Turner tout le temps, mais... Je ne sais pas.

Mon père m’a raconté cette anecdote. Il dirigeait un restaurant à côté d’une boîte de nuit appelée le Troubadour, à Hollywood, dans les années 60. Il avait l’habitude d’aller boire ou faire la fête avec les barmen du Troubadour et de revenir travailler au restaurant, qui s’appelait Dantana’s, un endroit très à la mode à Hollywood... Il est entré dans [le club] et Bobby Darin était sur scène. Mon père se fichait pas mal de la musique de Bobby Darin, mais Bobby Darin tenait vraiment le public dans la paume de sa main. Mon père est entré là pour une raison quelconque, je ne sais pas, pour emprunter une caisse de vodka parce qu’ils étaient à court à côté, et il a fini par rester là pendant deux heures, il ne parvenait plus à quitter les lieux, parce que Bobby Darin tenait vraiment son public. Il m’a dit que c’était le meilleur concert qu’il ait vu de toute sa vie. Ça veut vraiment dire quelque chose, je pense. Et en tant qu’artiste, on a envie d’être aussi bon, on a envie d’être comme Bobby Darin au Troubadour, on a envie d’être comme Elvis à la télé... Prenez n’importe quel concert devenu un classique...

Que diriez-vous des Pixies à Saskatoon ? Je crois que je n’ai jamais vu autant de personnes aussi excitées à l’idée de voir un groupe.

C’était une bonne petite tournée. On voulait faire notre tour de chauffe sur la Côte Ouest, mais quelqu’un nous a dit "Et si vous alliez au Canada ?" C’était plus obscur, je suppose [rires], ça sortait plus des sentiers battus. Donc on est allés à Régina et à Saskatoon, et là je devrais dire "Ouah, je n'étais jamais allé dans ces endroits !", mais l’ironie, c’est que j’y étais allé un an et demi auparavant avec les Catholics. Quand on est allé là-bas avec les Pixies, c’était au début de la première tournée après la réunion du groupe, et on jouait avec toutes ces vieilles craintes, c’était vraiment comme la première fois. A l’époque des Pixies première manière, c’est sûr, on avait du succès dans quelques pays, et on pouvait jouer dans des grandes salles, mais on pouvait aussi se retrouver à Davenport, ou quelque part en Floride, ou je ne sais où. On jouait dans le vieux théâtre du coin, et ce n’était pas forcément complet, mais c’était cool quand même. Si on avait démarré là [sur la Côte Ouest], la première tournée après la réunion aurait pu être comme ça. On était complet sur toutes les dates, mais on jouait quand même dans ces villes un peu solitaires, dans ces vieux théâtres... J’adore vraiment jouer dans les théâtres, c’est réellement là que ça se passe. Il y a des tas de salles différentes, mais les théâtres, c’est le top.

Ça donne vraiment l’impression de passer une soirée au spectacle, je ne sais pas si c’est pareil de votre point de vue...

Ouais, l’architecture est à l’unisson de ce qui s’y passe, c’est conçu pour accueillir un spectacle, quel que soit le type de spectacle. On sait que tout le public vous voit bien, la vue est dégagée... Bon, le son est quelquefois un peu caverneux, surtout pour du rock ’n’ roll, parce que le volume est si fort, en particulier depuis ces vingt dernières années, le volume a vraiment augmenté... Je suppose que quand on joue du rock dans un théâtre, le son peut devenir problématique, mais cela dit, c’est conçu pour le son et si on s’y prend bien, les théâtres, ils ont de la gueule, une bonne acoustique, on s’y sent bien... C’est là qu’on a les meilleures sensations. C’est sûr que si on joue dans un hangar à avions ou dans un petit club crasseux dans un cube de ciment, ou au nouveau Kodak Dome... Ces endroits-là sont conçus pour faire du fric, ils servent à vendre à boire et à évacuer l’urine ! Il y a comme un flux, on n’y vient pas seulement pour voir un spectacle. Et c’est sympa d’aller voir un concert dans un bar, mais un théâtre est suffisamment petit pour créer une intimité entre le musicien et le public, tout en étant assez grand pour que ça reste un événement. Il y a de l’excitation dans l’air. Ouais, les théâtres, c’est le top.

Traduction : jediroller

(1) Billy Block (batterie) et Duane Jarvis (guitare).
(2) Allusion à cette citation parue dans Rolling Stone, qui continue d’intriguer les fans : "J’ai toujours voulu avoir un trio punk-rock qui s’appellerait Schwarma. J’ai besoin de me trouver une fuzz-box et de faire un peu de bruit."

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6 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Hey Jedi/Ray

I love what you've done here, been here many a time, though I wish I could understand French a little more (a failure on my part). Would you be able to translate this for me, s'il vous plait?

Q : Et vous vous ferez appeler Schwarma (2) ?

FB : Non ! [rires] J’adorerais ça, mais Schwarma est quelque chose de tout à fait différent.

News about schwarma? excitng.

Keep up the good work!

søren

08/08/2006 18:44  
Anonymous Anonyme said...

Thanks Soren.

Here's the translation:

"Will you (FB, EDF, Block & Jarvis) call yourselves 'Schwarma'?...

- No (laughs). I'd love that, but Schwarma is something completely different."

08/08/2006 22:58  
Anonymous Anonyme said...

Thanks for reading!

You could also hear it from the Man's mouth, it's straight from the podcast :)

09/08/2006 11:54  
Anonymous Anonyme said...

Putain les gars, y a pas à dire! vous assurez un max! Félicitations! Et continuez comme ça! Vous faites honneur aux fans français.

23/08/2006 19:18  
Anonymous Anonyme said...

Merci Cass, trop aimable. Pour la traduc' c'est Jedi qu'il faut remercier.

24/08/2006 21:54  
Anonymous Anonyme said...

Merci, les gars, beau travail. ;)
Est-ce que les parties 3, 4, et 5 vont suivre bientôt ?

15/02/2007 17:47  

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