¡BLACKOLERO!

Frank Black, Black Francis, Pixies, Breeders

08 juillet 2006

Frank Black : "Je ne veux pas me laisser enfermer"

Chose promite, chose dute : mon ami jediroller a bien voulu, contre la promesse de ma gratitude éternelle, transcrire et traduire pour vous (et pour moi) l'interview de Frank Black réalisée par Dean et Brian pour leur podcast n°10. Une exclusivité Blackolero !


Q : Fast Man Raider Man a été enregistré en différents endroits, vous donne-t-il plus l’impression d’un "collage" par rapport à Honeycomb qui était plus uniforme ?

FB : C’est vrai que Honeycomb a un côté très uniforme parce que tout a été enregistré dans le même studio, avec les mêmes musiciens, sur une période de trois ou quatre jours... d’où une certaine uniformité due à... cette façon d’enregistrer ! [petit rire] Le nouveau disque est plus éclaté, mais ce n’est pas si rare – la façon dont j’ai enregistré Fast Man Raider Man n’est pas si inhabituelle que ça. Beaucoup de musiciens accumulent les enregistrements et font le tri ensuite. Parfois ils essaient de donner une espèce de cohérence à l’ensemble au moment du mixage.
Je crois que c’est Jon Tiven [producteur de Honeycomb et de Fast Man Raider Man] qui m’a fait remarquer, pendant qu’on réalisait l’album, qu’un enregistrement fait dans un studio n’avait pas à sonner exactement comme un autre enregistrement fait dans un autre studio, qu’il y a des tas de grands albums de rock'n'roll qui sont complètement hétéroclites de ce point de vue. En d’autres termes, ça ne l’empêchait pas de dormir non plus.

Avez-vous beaucoup réfléchi aux chansons qui allaient constituer le premier disque puis le deuxième, ou est-ce que c’est un peu venu tout seul ?

Je dirais que le premier disque est un album compilé par mon manager [Ken Goes], après quoi j’ai fait une autre session à Los Angeles, du coup j’avais un peu plus de chansons, dont une que je tenais tout particulièrement à avoir sur le disque. Mais j’avais aussi des regrets par rapport à d’autres chansons que Ken n’avait pas incluses dans le premier disque. Je comprends ses raisons – le premier disque est un très bon album, dans l’esprit de Ken c’est le meilleur des deux, mais il y avait quelques titres un peu plus âpres, comme Sad Old World, Fitzgerald, In the Time of My Ruin, que je voulais vraiment voir figurer sur l’album. Ken les avait écartés et encore une fois, je comprends parfaitement pourquoi, il cherchait à créer une ambiance particulière et je crois qu’il y est parvenu. Donc voilà, le premier CD représente "l’album de Ken Goes"... et j’ai tout fichu en l’air en ajoutant le deuxième [rires].

Est-ce que cela veut dire que vous avez une préférence pour le 2e disque, ou est-ce simplement que vous teniez à ces chansons ?

Le premier disque est plus léché, son style est plus retenu, plus doux... Le deuxième a un peu plus de fantaisie et de vivacité, sans être pour autant un disque rock très agressif... Je ne crois pas avoir de préférence entre les deux, non... En fait, il y a des chansons dont je me demande encore si j’ai bien fait de les conserver, comme si je ne savais pas trop quoi penser d'elles ou de la façon dont elles me sont venues...

Par exemple ?

Par exemple Dog Sleep.

J’adore cette chanson ! C’est une de mes préférées.

Quand on écoutait les premiers mixes de l’album, tout le monde me disait "Ah, cette chanson avec le trombone, Dog Sleep, j’adore cette chanson !" Alors au bout d’un moment j’ai dit "D’accord, d’accord, d’accord, je la garde !"
Celle-là a été très difficile à mixer, il y avait tellement de gens qui jouaient dessus. Avec tous les musiciens, elle avait ce côté Nouvelle-Orléans, un peu trop "fête de la bière à la cambrousse" [rires]. C’était un peu lourd. Alors on a grosso modo supprimé toutes les guitares. On a viré les guitares et tout ce qui reste ce sont les claviers, et on entend aussi un peu mon ukulele, et ça reste pêchu, même avec deux claviers. Cette version est plus fidèle au feeling de la progression d’accords. C’est une chanson très différente quand je la joue seul sur mon ukulele, plus bluesy. Mais nous donnions très peu d’instructions aux musiciens, on leur donnait seulement des grilles d’accords et on leur disait "On y va". C’est venu comme c’est venu. C’est leur interprétation.

J’ai lu dans Billboard que vous aviez essayé d’écrire de nouvelles chansons avec les Pixies et que vous les aviez abandonnées. J’ai aussi lu une interview de Joey [Santiago] dans laquelle il disait que cette tournée pourrait bien marquer la fin des Pixies. Partagez-vous cette impression ?

Eh bien, je ne sais pas, est-ce que Joey a vraiment dit ça ?

Il a déclaré à Billboard qu’à partir de maintenant, il faudrait des circonstances vraiment spéciales pour que vous enregistriez un album tous les quatre. J’ai compris ça comme "On s’est donné tout ce temps et il ne s’est encore rien passé, c’est peut-être le moment de passer à autre chose"...

Sans vouloir donner l’impression qu’il y a des désaccords au sein du groupe, car ce n’est vraiment pas le cas, je résumerais les choses comme ceci : Joey, Dave et moi sommes disposés à faire un disque, mais Kim est réticente. Elle a de très bonnes raisons pour cela d’ailleurs. Elles sont assez évidentes : si vous avez une bonne réputation, que vous avez laissé votre empreinte, que vous vous êtes constitué un répertoire et que ça date de quelques années – ce qui est exactement le cas pour les Pixies – vous ne voulez pas tout gâcher en sortant une daube. Je respecte ça, c’est vrai qu’on prendrait un risque. Mais je ne suis pas aussi inquiet qu’elle, en fait je suis presque prêt à ruer dans les brancards. Vous voyez ce que je veux dire ? Je serais tout à fait heureux de faire un album qui n’aurait absolument rien à voir avec les Pixies. S’il est bon, si je pense qu’il est bon et que tout le monde est d’accord, c’est tout ce qui compte pour moi. Je n’ai pas besoin de faire "la combinaison ultime de Doolittle et Surfer Rosa" [rires]. Ça ne me tourmente pas plus que ça. Ce n’est que du rock'n'roll.

Il y en a d’autres que ça tourmente plus que ça, en fait certains musiciens n’auraient probablement pas osé publier Honeycomb si tôt après la réunion des Pixies... Ils auraient eu peur de paraître "déconnectés". Je trouve ça cool que vous puissiez dire "Eh bien, ça c’est moi, mais ça aussi, c’est moi. J’ai plusieurs facettes."

C’est toujours agréable, quand on fait un disque, que celui-ci devienne, avec le recul, porteur d’un message, une espèce de manifeste qui parle à tout le monde. On a tous envie de réussir ça. Mais y penser tout le temps, c’est un peu trop affecté pour moi. Je veux seulement faire de la musique. Quand j’analyse vraiment les raisons qui m’ont poussé à faire des disques, à faire partie d’un groupe, je me rappelle qu’à l’époque où j’étais un gamin ou même un pré-ado, tout ce que je voulais, c’était faire du bruit avec mes potes, peut-être faire un truc créatif, mais surtout m’amuser et simplement faire de la musique. Je n’ai jamais voulu me prendre la tête sur le thème "Quelle sera ma prochaine grande déclaration au monde ?" [rires] C’est idiot. Evidemment, ce serait agréable si je faisais un petit album si joli et si parfait que tout le monde l’adorerait et me dirait "Oui, vous êtes le meilleur, vous êtes le roi du college rock !" [rires] Ce serait génial. Ce serait merveilleux. Mais si je le planifiais, si je m’efforçais d’y parvenir, ça sonnerait forcément faux. On ne peut pas programmer la magie, on ne peut pas programmer une chanson magique, un moment magique, un disque magique. Je n’ai jamais pu planifier ce genre de chose. Ça arrive tout seul. Et quand ça arrive... ça arrive. Et quand ça n’arrive pas, eh bien, faites en sorte que ce soit le plus intéressant possible [rires] pour que l’auditeur n’ait pas l’impression de se faire arnaquer.
Après tout, qu’est-ce que la magie ? Je ne sais pas. Est-ce la même magie pour tout le monde ? Il y a ceux qui aiment tous les hits des Pixies, et puis il y a toutes ces questions lancinantes : "Où sont passées vos petites chansons marrantes ? Où sont vos chansons bizarres ?"... Je ne sais pas ! Je ne veux pas me laisser enfermer, tout ça ma paraît artificiel.

Comment décririez-vous le processus d’écriture pour Fast Man Raider Man ?

Rapide ! Des chansons vite écrites, enregistrées rapidement... Les seules qui ont un peu d’histoire derrière elles sont les deux reprises, Dirty Old Town et Fare Thee Well (ou Sad Man's Song si vous préférez). Ce sont des chansons que j’ai jouées pendant des années sur mes différentes tournées, principalement avec les Catholics, j’ai vécu un bon moment avec elles. Sur Honeycomb, c’est différent. Il y a des chansons qui ont une plus longue histoire.

Comme Selkie Bride ? Nous allons diffuser dans ce podcast [le 10e] une démo de cette chanson enregistrée avec les Catholics...

Oui, elle a au moins quelques années d’existence. Je crois me souvenir... cette démo, c’est bien une version instrumentale ?

C’est ça.

Ouais, si je me souviens bien, j’aimais beaucoup cette version.

On dirait qu'il y a un ukulele dedans ?

Je pense que ça pourrait être un oud... Je ne le prononce probablement pas comme il faut, mais vous savez, cet instrument grec*... C’est Rob Laufer qui joue, il a beaucoup joué avec les Catholics.


* Luth originaire d'Egypte et du Proche-Orient, l'oud, s'il n'est pas à proprement parler un "instrument grec", est effectivement utilisé en Grèce (notamment en Crète), ainsi qu'en Turquie et en Arménie. Merci à Dean Katsiris pour ses éclaircissements.

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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Non.

Simplicité, classe, intelligence. Il est fort.

Encore fallait-il trouver un traducteur digne de lui :)

09/07/2006 10:27  
Blogger Dean said...

Tres bien et merci! I hope this helps some of the French members out there; no doubt a lot of work.

Incidentally, there _is_ a Greek instrument called an oot or ooti which the English transformed into lute. It's originally from Crete . But you're right that there's also an Arabian instrument that is very similar and called an oud. See here:

http://www.grecian.net/music/instruments.htm

09/07/2006 23:34  

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