¡BLACKOLERO!

Frank Black, Black Francis, Pixies, Breeders

27 septembre 2013

Interview avec Black Francis, Joey et David

Les Pixies Black Francis, Joey Santiago et David Lovering qui répondent à deux questions, d'abord une mauvaise critique des nouvelles chansons EP1 par un blog (Pitchfork a noté 1/10) puis une question relative au moment où Kim Deal a décidé de quitter le groupe...


(Black Francis utilise à un moment l'expression française comme-ci comme ça)

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11 novembre 2009

Pixies chez Conan O'Brien : quatre questions


Les Pixies sont apparus vendredi dernier sur le plateau du célèbre talk show de Conan O'Brien (ils ont joué Here Comes Your Man). Dans les coulisses, l'équipe a profité de leur présence pour leur poser quatre questions.

Victime d'un lag insupportable, je n'arrive même pas à visionner l'interview en entier, mais j'ai tout de même capté le gag qui fera rire les plus infantiles d'entre vous. La légende veut que Joey ait trouvé le nom du groupe en ouvrant un dictionnaire au hasard. Mis au défi de reproduire l'exploit, il tombe sur "kaka" (un oiseau néo-zélandais, rien à voir avec le foot). "Sommes-nous Kakas ou The Kakas ?" s'interroge alors Kim.

Au passage, Frank répond à LA question : "Je pense que nous sommes The Pixies, mais que quelqu'un à la maison de disques a pensé que ce serait plus cool de nous appeler seulement "Pixies"."

Sinon, j'ai cru saisir que Frank voulait se mettre au slam.

* * *

Mise à jour du 12/11
: et voilà Here Comes Your Man.


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20 octobre 2009

Black Francis interviewé à l'île de Wight

En marge du concert des Pixies à l'île de Wight, en juin dernier, Black Francis a été interviewé par Absolute Radio. L'interview est disponible sur YouTube :


Et comme Blackolero vous aime, même si l'anglais et vous ça fait deux, voici une petite traduction à la volée.

Ça commence comme une conversation chez le coiffeur : "Vous êtes déjà parti en vacances en mobile home ?"
Black Francis : Quand j'étais petit on collait tout dans une Coccinelle et on partait à l'aventure. Maintenant, pour mes enfants, j'ai un monospace avec écran DVD. Dans la voiture, les gosses doivent être attachés comme s'ils allaient sur la Lune, c'est un peu claustro, alors on les occupe, mais on essaie de rester éducatif, on leur passe des documentaires scientifiques de la BBC. Mes gamins ont tous un accent de commentateur de la BBC maintenant, à force de voir des DVD sur les dinosaures !

Q : Les Pixies ont commencé cette tournée il y a quelques jours à Stockholm. Savez-vous qu'en Suède il existe plusieurs boîtes de nuit nommées "Debaser" ?
BF : Oui, en fait on a parcouru la ville à pied jusqu'à 5 h du mat' pour en trouver une et se prendre en photo devant. Ça me plaît d'être "greffé" dans le paysage culturel comme ça.
Q : Ça doit être un peu bizarre de savoir qu'à l'autre bout du monde, dans le Nord glacé, un lieu a été baptisé d'après une de vos chansons...
BF : Ouais, bon, c'est sympa, vous savez ?
Q : Pendant leurs dix ans d'absence les Pixies sont devenus quasi mythiques. N'est-ce pas intimidant ?
BF : J'imagine que c'est aussi une question d'âge, vous voyez ? "Ce samedi soir, au Fuddy-Duddy, les légendaires..." On fait partie du club des quadragénaires maintenant...
Q : Vous n'en êtes pas encore au stade où les vieux qui dînent à 18 h se retrouvent à table en même temps que les Pixies...
BF : Haha, non.

Q : Ressentiez-vous une forte pression pour être à la hauteur de ce statut de légendes ?
BF : Pas vraiment. On a répété et ça sonnait comme à l'époque, alors on savait qu'on n'aurait pas à rougir... On a simplement joué, comme on l'a toujours fait.
Q : Comment ça s'est passé la première fois que vous vous êtes tous retrouvés dans le même local et que vous avez pris vos instruments ?
BF : On a simplement joué comme on l'avait toujours fait. Je n'ai aucune anecdote intéressante. Certaines choses ne changent pas.

Q : A l'époque vous étiez plutôt adeptes du "Do It Yourself", Kim en particulier n'avait jamais vraiment joué avant (1). Aujourd'hui, ne serait-ce qu'en raison du temps qui a passé, vous devez être des musiciens plus accomplis.
BF : Nous avons acquis des réflexes... Je ne suis pas sûr qu'on soit devenus des virtuoses, je nous vois plutôt comme des diamants bruts.

Q : Êtes-vous heureux d'être un Pixie aujourd'hui ?
BF : Très heureux, oui. On dort dans de très beaux hôtels... mais on demande toujours à avoir du hoummous dans la loge. Ça fait 22 ans qu'on demande du hoummous quand on donne un concert.
Q : Vous étiez en avance sur votre temps pour ça aussi.
BF : On jouait au fin fond du Kentucky et ils devaient se dire "C'est quoi ce 'humus' qu'ils réclament ?" C'était avant Wikipédia, il fallait qu'ils aillent à la bibliothèque pour découvrir ce que c'était. Ils étaient obligés de le faire eux-mêmes, je ne sais pas ce qu'ils s'imaginaient qu'on en faisait, c'était juste un petit en-cas pour tenir le coup jusqu'au dîner... et ils nous faisaient d'immenses plats, cinq litres de hoummous plein d'ail, ils ne comprenaient pas et on devait leur dire "Non, il nous faut juste un petit bol..." Maintenant on en trouve partout et de toute sorte, mais bon, c'est quelque chose qui n'a jamais changé.
Q : On a même des restaurants spécialisés maintenant, ici au Royaume-Uni, comme Hoummous Brothers... et on ne savait même pas que ça aussi, on le devait aux Pixies !
BF : Mais bien sûr, nous sommes des pionniers !

Q : Vous venez de rééditer tous les albums originaux dans... ce n'est pas vraiment un coffret...
BF : Je crois que c'est une petite caravane, comme celle-ci [désigne le véhicule dans lequel se déroule l'interview], on peut la conduire...
Q : Et combien ça coûte ?
BF : Autour de 500 dollars US, je ne sais pas combien ça fait, 300 à 400 livres peut-être ? C'est grand, vraiment grand.
Q : Vous pourriez avoir du mal à trouver un endroit où le mettre si vous vivez dans un petit appartement...
BF : Oui... Je l'ai découvert il y a une paire de semaines chez moi, ils me l'ont apporté pour me le montrer.
Q : Ça s'appelle Minotaur.
BF : C'est ça... C'est comme ça que ça se prononce ? "Maï-notaur" ?
Q : Pourquoi, vous le dites comment ?
BF : Je disais simplement "Minotaur"...
Q : Je me trompe peut-être.
BF : Non, non, c'est sans doute moi qui ai tort.
Q : Ma seule source, ce sont des vieux films de Charlton Heston, Jason et les Argonautes...
BF : Ils le prononçaient sûrement comme il faut à l'époque. Je m'en tiendrai à "Maïnotaur".
Q : Et donc, ça sort demain ?
BF : Ils sont encore au travail dessus. Mais on peut le commander. Si vous voulez simplement les cinq albums, vous pouvez toujours les télécharger sur Internet, mais si votre truc c'est de collectionner des objets [en français dans le texte], c'est comme un de ces gros livres d'art bien lourds... Si vous avez 23 ans, ça ne vous intéresse probablement pas.

Q : Que pensez-vous de ce qui se passe en ce moment dans la musique ? L'industrie est en pleine panique, mais vous, est-ce que vous êtes heureux que des gens puissent découvrir vos chansons, choisir de vous voir sur scène... ?
BF : Je n'attends rien de personne. Je suis ici sur Terre, je fais de la musique et advienne que pourra.
Q : C'est sympa comme planète.
BF : Ouais, je crois que je vais rester.

Q : Est-ce que vous écrivez de nouvelles chansons avec votre casquette "Pixies", ou est-ce que vous gardez tout pour les Catholics, ou bien... ?
BF : Je n'ai pas une tête à casquette. J'en ai une d'Écosse que je porte quand il fait froid, mais je n'arrive pas à la garder bien longtemps.
Q : Je vous verrais bien avec un deerstalker.
BF : Un deerstalker ?
Q : Vous savez, la casquette de Sherlock Holmes.
BF : Ah, oui... J'aimerais habiter sur la lande, en fait.
Q : Où habitez-vous ?
BF : Je vis dans la version américaine de la lande, en Oregon. Ce n'est pas très peuplé par là.
Q : Vous êtes proche de la nature.
BF : Oui. On n'est pas vraiment à la campagne, mais elle nous entoure.
Q : Désolé pour la digression sur les casquettes et la nature... Est-ce que vous écrivez...
BF : ... de nouvelles chansons, oui. Par à-coups.
Q : Et ce que vous écrivez est destiné aux Pixies ?
BF : Je n'y pense pas en ces termes. On ne peut pas vraiment compartimenter, c'est trop intangible.


(1) Tous nos lecteurs savent que les Breeders existaient avant que Kim ne rejoigne les Pixies, Kim et Kelley jouaient dans des bars de bikers dans l'Ohio... Certes, si ma mémoire est bonne, Kim était guitariste et elle n'est devenue bassiste que pour répondre à l'annonce de Black Francis, mais ce n'était pas exactement Sid Vicious. (Retour à l'interview.)

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25 juin 2009

Le NME fait monter la sauce (comme d'habitude)

Méfiez-vous des titres trop accrocheurs. Certains ex-fleurons de la presse musicale british ont pris la triste habitude de travailler comme les canards du type Détective ou France Dimanche : on trouve le titre le plus racoleur possible et on écrit l'article après.

Exemple avec la dernière news consacrée aux Pixies, avec de vrais extraits d'interview de Black Francis dedans (le pauvre, ils ne le lâchent plus), sur NME.com. Titre : "Les Pixies préparent un nouvel album hollywoodien". Wow. Un nouvel album des Pixies ! Nous pouvons enfin y croire ! Ce n'est pas comme si le NME n'avait pas déjà annoncé plusieurs fois cette nouvelle fracassante (vous vous rappelez quand il devait être produit par Tom Waits, le "nouvel album" ?)...

Mais quand on lit le texte, on découvre bien entendu que tout est au conditionnel comme d'habitude, et qu'il ne s'agit, une fois de plus, que de Black Francis lançant des hypothèses lors d'une discussion à bâtons rompus. "Ce qu'il faudrait, c'est que le groupe bosse avec un réalisateur", dit Frank. "Tarantino ou quelqu'un comme ça. Le type dirait 'Faites la musique de notre film, vous [les Pixies] ferez la bande-son du film.' Parlez de cette idée autour de vous, je crois que ça marchera."

Notre interprétation : interrogé pour la douze millième fois sur le "nouvel album des Pixies", Frank a botté en touche en sortant de son chapeau cette idée de réalisateur. "Puisque le groupe n'arrive pas à accoucher de nouvelles chansons, hé, pourquoi on ne nous demanderait pas de faire une B.O. de film ? Je suis sûr que ça marcherait." Il ne mentionne même pas en avoir discuté avec les autres membres du groupe, semblant au contraire vouloir les en informer par NME interposé. Bref, circulez, y a rien à voir.

Suivent les considérations habituelles sur le fait que la réunion ne veut pas dire grand-chose si elle se résume à une série de tournées où les Pixies ne jouent que leur ancien répertoire (ce qui a déjà été dit et a même amené Frank à annoncer en 2007 que la réunion était "finie"). Et une petite couche pour finir sur l'air de "Si on fait un nouvel album, il faudra que ce soit vraiment bon, on ne veut pas décevoir notre public." Bref, rien de neuf.

Tarantino, si tu nous lis...

* * *

Sous la news qui n'en est pas une, NME.com a quand même fait l'effort d'ajouter une interview vidéo des Pixies réalisée après la soirée de lancement de Minotaur et montée sur fond de Here Comes Your Man (quelle audace. Ou alors il avaient perdu leur MP3 de Where Is My Mind?...)

"En résumé, commence Black Francis, Minotaur est une présentation du travail de Vaughan Oliver qui a détourné nos cinq albums [Kim éclate de rire] pour en faire son propre manifeste."

"Ça avait vraiment l'air de faire plaisir à Vaughan" dit Kim. "Nous sommes passés à l'arrière-plan", dit Frank. Suivent des considérations sur la taille du coffret édition limitée et sur la prononciation du mot "Minotaur" en anglais.

Frank fait ensuite allusion à ses propres expériences dans le domaine des arts plastiques "mais je ne suis pas au niveau où je pourrais dire, 'Hé, Vaughan...'." Nouvel éclat de rire de Kim : "Tu devrais ! Rien que pour le choquer, tu devrais lui proposer de lui montrer tes tableaux !"

Puis Kim confie avoir été "très nerveuse" au moment de jouer à l'île de Wight (le concert avait lieu la veille de l'interview) car c'est un "festival très célèbre", mais qu'elle avait trouvé ça "bon". "Le son était parfait, la scène elle-même, c'était super" confirme Dave. Joey : "J'étais nerveux... comme toujours."

Enfin, Charles évoque la suite de la tournée avec le Hurricane Festival en Allemagne, où le groupe a joué le 20 juin (Kim : "C'est un gros festival, non ? Je crois que c'est un très gros festival. Des dizaines de milliers de personnes. [Elle se tourne vers le manager, hors-champ]: Richard ?...") et ajoute que d'autres dates sont prévues, mais pas encore officielles. Le mois de juillet étant consacré à une série de concerts de Black Francis et de Grand Duchy aux USA, on ne risque pas de revoir les Lutins sur scène avant août.


Un grand merci à Chaumax !



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"On se dirige vers un monde à 5 dollars"

Dans le prolongement du sujet qui précède, Black Francis a confié au NME ses réflexions sur l'avenir de la musique, lors d'une interview publiée le 20 mai.

"Le point de convergence entre le client et l'artiste a dérivé de la boutique de disques ou du site Internet vers le concert" dit Black Francis. "Le public se passionne pour les apparitions scéniques de l'artiste. Il paie pour y assister. C'est une très bonne chose pour la musique live. Mais de nos jours, tout le monde est en tournée, ce qui est excellent pour les roadies, les clubs et les salles... mais absolument tout le monde se bouscule sur les routes. Et tout ce monde-là est en concurrence." (Des propos déjà tenus dans notre interview de février 2008, NdB.)

"Je crois que tout le monde va devoir s'habituer à gagner moins d'argent et à pratiquer des prix plus bas. Il va falloir entrer dans l'ère du "tout à 5 dollars". Les gens diront "Oh oui, je paierai $5 pour voir ça, ou pour un T-shirt, ou pour un disque." Je crois qu'on se dirige vers un monde à 5 dollars, plutôt qu'à 25, 50 ou 150."

"Je me rends compte que je risque de passer pour un hypocrite aux yeux de certains, parce que les Pixies se préparent à sortir un coffret. Je crois que l'édition limitée coûte $450. Mais ces œuvres existent déjà – la demande pour ce produit particulier a été évaluée par les personnes qui produisent le coffret. Si personne ne l'achète, nous aurons tous l'air d'idiots."

"Je crois que l'on devrait pouvoir fixer son propre prix pour le produit que l'on veut vendre, mais au bout du compte, c'est le marché qui dicte le prix et il va falloir tout revoir à la baisse. Les maisons de disques ont gonflé les prix pendant trop longtemps et regardez où elles en sont maintenant. Elles ont créé cette situation en étant un peu trop gourmandes."

On attend maintenant l'application pratique de ces séduisants principes...

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24 juin 2009

Black Francis et l'avenir du disque

Notre héros a bien voulu répondre aux questions du Mag Indie Rock à l'occasion d'une enquête sur 'l'avenir du disque". Retrouvez ses sages paroles dans les trois premiers volets :
Interventions blackiennes mises à part, c'est une lecture intéressante, et je ne dis pas ça seulement parce que j'y ai contribué...

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07 avril 2009

Grand Duchy : "Devenir comme Brad Pitt et Angelina Jolie"

Magnet Magazine publie une interview de Violet Clark et Black Francis, qui seront également "rédacteurs en chefs invités" pendant toute la semaine. Chaque jour, un nouveau message des têtes couronnées de la pop apparaîtra sur le site.



Voici notre traduction de l'interview.

MAGNET : J'admire les couples qui font de la musique ensemble, parce que même si cela peut être excitant, cela peut aussi créer de la tension entre vous. Craigniez-vous cela quand vous vous êtes lancés dans ce projet ?

Charles : Je suppose que la seule crainte était de ne pas faire quelque chose de bien. Ou peut-être, puisque nous étions un couple, que quand nous présenterions ce travail au reste du monde, tout le monde dirait "Oh, génial. Ils font ça en couple. Il traîne sa copine derrière lui maintenant." Heureusement, les réactions n'ont pas l'air d'aller dans ce sens. Nous sommes heureux que tout le monde fasse preuve de tant de maturité.

Violet, aviez-vous fait de la musique auparavant ?

Violet : J'en ai fait toute seule pendant des années, avec des synthétiseurs et des boîtes à rythme, et j'ai enregistré un album juste avant de rencontrer Charles. Je suppose que c'est parce qu'il savait cela qu'il a commencé à me demander de faire des choeurs. J'ai fini par chanter sur Bluefinger et jouer de la basse sur Svn Fngrs. Mais [avec Grand Duchy] c'était la première fois que je contribuais à l'écriture des chansons.

Un texte de Charles accompagnait les exemplaires du CD de Grand Duchy envoyés à la presse. On y lisait : "Elle aime les années 80. J'ai passé la fin des années 80 à essayer de détruire les années 80." Vous venez donc d'univers musicaux différents.

Violet : Peut-être. Ce n'est pas si tranché que ça. Il ne s'agit pas seulement des années 80, c'est la musique pop. Une sensibilité pop à laquelle, au long de son parcours, Charles ne s'est pas spécialement intéressé.

Charles : C'était juste une référence. Que voulaient faire les Pixies quand nous avons débuté en 1988 [sic, NDT] ? Je suppose que nous étions "anti-années 80" - pas tellement contre la pop/new wave mais plutôt contre le hard rock commercial ou les excès du hair metal. Je ne sais pas si les Pixies essayaient d'être quoi que ce soit, mais nous essayions de ne pas être ça. Nous en aurions d'ailleurs été jncapables. Voilà mon rapport aux années 80. Il se trouve que Violet aime une grande partie de la musique pop de cette décennie, particulièrement dans sa première moitié.

La production soignée de Petits Fours contraste avec ce que Charles a fait ces derniers temps.

Violet : On a passé pas mal de temps en post-production, ce qui n'intéresse pas tellement Charles.

Charles : Ce n'est pas évident, il y a toujours des exceptions. Mes deux premiers albums solo sont pleins de synthés, grâce au producteur, Eric Feldman. Ce n'est peut-être pas quelque chose que les gens associent avec moi, mais ce n'est pas comme si je n'avais jamais touché un synthétiseur. Le dernier album des Pixies est plein de synthés. Je ne suis pas aussi marqué à ce niveau que les Ramones ou je ne sais qui. Je crois que le disque de Grand Duchy sonne "pop" mais pas trop lisse. Par exemple, nous avons joué presque toutes les parties de basse et de batterie nous-mêmes, ce qui lui donne un côté brut, à la Velvet Underground, on joue quelques mesures à la batterie et on passe ça en boucle. Avec un vrai batteur, on aurait perdu cette naïveté.

Violet : La naïveté est un thème important de ce disque. Ne pas penser à ce qu'on ne peut pas faire, mais à ce qu'on peut faire en tant que musiciens qui ne savent pas forcément jouer de tous les instruments.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pendant l'enregistrement ? Y avait-il des choses que l'un adorait et que l'autre voulait balancer par la fenêtre ?

Charles : Seulement des sensibilités différentes et une crainte de l'univers de l'autre. Je n'ai pas de problème avec le rock garage super-abrasif des années 60, Violet si. J'ai un problème avec des choses trop propres ou trop jolies qui peuvent plaire à Violet.

Violet : Au début, ça nous stressait parce qu'on se sentait menacé par la contribution de l'autre.

Charles : On a un esprit de propriété quand on écrit une chanson, parce qu'on sent dans quelle direction elle va aller.

Charles, je ne me rappelle pas de quand date votre dernière chanson écrite à quatre mains.

Charles : J'en ai écrit quelques-unes avec Reid Paley pour deux de mes albums solo, mais c'est le seul exemple ces dernières années. Au sein des Pixies, j'ai écrit deux chansons avec Kim. Je n'ai pas fait beaucoup de collaborations. C'est très dificile quand on n'a pas l'habitude. On a l'impression que l'autre ne sait pas ce qu'il fait. Il n'a pas le même vocabulaire que vous. Avec Violet, il a fallu que je me calme et que je me rende compte qu'elle apportait ce vent de fraîcheur, et que j'étais un peu dans le rôle du vieux bonhomme rassis.

D'une certaine manière, Violet avait l'avantage de connaître la musique de Charles, alors que Charles a dû découvrir cet aspect de sa femme.

Violet : Exact. Il doit avoir entendu mon disque, que j'ai fait seule avec des séquenceurs et des synthés, environ 5 000 fois maintenant. Au début, il était très dubitatif (à l'égard de ma musique), mais depuis il a complètement changé d'avis. Le fait d'absorber ce disque sur le long terme lui a ouvert les yeux sur beaucoup de choses.

J'ai vu sur votre page MySpace une chronique de l'album traduite de l'allemand, via un service du type Babelfish, je suppose : "Qu'ils soient riches tapis de son ou de spacey Geblubber, il donne tous les habituels oblique Thompson compositions sucrées et une facilité, comme elle l'a orienté vers la pop, les premiers albums solo du poids lourd Kodzko tête ne peut plus être entendu."

Charles : Nous adorons les traductions Google. Je m'en sers pour poster des infos cryptées sur les blogs ou les forums. C'est curieux de voir à quel point l'Internet abolit les règles. Nous sommes des citoyens comme les autres, qui envoient des messages à leurs amis sur MySpace ou mettent à jour leurs photos sur Facebook. Quand on est un artiste qui publie des disques, même à petite échelle, c'est marrant de pouvoir se laisser aller et ne pas avoir à se la jouer "Moi qui suis un musicien de rock relativement connu, je ne vais pas m'abaisser à interagir avec les fans de manière si informelle."

Violet : Le temps où on prenait des poses est révolu. Le temps est venu d'être extrêmement créatif et productif.

Charles : En ce moment, nous nous amusons à créer des micro-sites. Nous on avons six ou sept. Nous y mettons des mini-films qui nous ont pris dix minutes à faire. Je ne sais pas si quelqu'un les regarde, mais on se fait plaisir avec cette installation artistique qui change sans cesse.

Vous avez des enfants dont certains son très jeunes. Allez-vous partir en tournée ?

Charles : Nous examinons les candidatures de nounous rock 'n' roll. Nous en avons une à Los Angeles qui s'appelle Emma et que nous aimons beaucoup, mais elle n'est pas toujours disponible.

Violet : Des concerts, il va y en avoir. Nous voulons le faire et beaucoup de gens veulent que nous le fassions, ce qui nous fait très plaisir.

Charles : Nous allons essayer de donner quelques concerts en veillant à ce que nos enfants puissent être pris en charge. Ce n'est pas évident, mais ce n'est pas comme si nous en avions assez, comme si nous pensions devoir renoncer à la musique maintenant que nous avons des enfants : "À partir de maintenant, on ira aux rencontres parents-professeurs et on sera pragmatiques." Quel ennui ! On doit trouver le moyen d'être une famille d'artistes. Si Larry Fein des Trois Stooges y est arrivé, je peux y arriver aussi.

Larry Fein était le premier à vivre comme ça ? Je ne connais pas son histoire.

Charles : Je me rappelle avoir lu qu'il vivait dans des hôtels avec sa famille. Les parents de notre nounou ont composé Afternoon Delight, elle a grandi sur la route et dans les studios d'enregistrement. J'ai entendu des musiciens dire "Jamais mon gamin ne sera élevé dans ce milieu horrible." Moi, j'adorerais que mes enfants soient des entertainers ou des artistes.

Une minute. Ce n'était pas un peu bizarre pour votre nounou de savoir que ses parents ont écrit Afternoon Delight, quand on connaît les paroles de cette chanson ?

Violet : Je crois que la chanson parle de sa conception. Je trouve ça génial. Elle a une très grande confiance en elle parce que ses parents ont écrit cette chanson qui parle de faire l'amour et qui est devenue un énorme tube. Difficile de faire mieux.

Charles : Je crois qu'ils ont aussi écrit un des grands succès de John Denver. Take Me Home, Country Roads.

Charles, allons-nous revoir Black Francis dans le futur ?

Charles : Je suppose. J'ai cet album, The Golem, qui sort bientôt, un beau et grand coffret qui est presque prêt. Je crois que je vendrai ça sur mon site. Les critiques de Grand Duchy sont vraiment bonnes et je me rends compte qu'il y a tout une partie du public que je n'intéresse pas quand je suis seul. Mais s'ils m'entendent dans les Pixies ou avec Violet, je suis équilibré par une présence féminine et ça leur plaît. Je suis prêt à continuer dans cette voie si ça peut nous aider à devenir comme Brad Pitt et Angelina Jolie. Ce serait super.

Entretien : Matthew Fritch

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05 avril 2009

20 ans après

Pour le plaisir (et pour les anglophones), un tout jeune Black Francis interviewé par la télé néerlandaise pour la sortie de Doolittle :



À voir aussi dans les "Vidéos similaires", un passage à la télé française en 91, ne serait-ce que pour le magnifique accent de l'intervieweur quand il évoque "Davide Lynche"...

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03 avril 2009

Les sages paroles de Black Francis

Animateur radio sur la BBC au Pays-de-Galles, Adam Walton a eu l'idée de créer un blog dans lequel il propose à des artistes confirmés de partager les fruits de leur expérience au bénéfice des nouvelles générations. Baptisé Words of Wisdom, ce blog propose les conseils de ces briscards sous forme de MP3. Et le premier "sage" de la liste n'est autre que Black Francis.


Résumons la chose pour les allergiques à l'anglais. BF commence par expliquer que s'il a un regret, c'est de ne pas avoir pris de cours de chant plus tôt dans sa carrière, car cela lui aurait permis de mieux préserver sa voix pendant les longues tournées. Puis il passe aux conseils. Et il n'y va pas avec le dos de la cuillère.

"Mon principal conseil est de sortir de votre bled et de jouer live partout où vous le pouvez," dit -il. "Consacrez-vous à cette vie. Quittez votre job, quittez la fac, renoncez à tout, comme un moine qui se consacre à Dieu. Montez dans une camionnette, une voiture ou un train, peu importe, du moment que vous sortez de chez vous pour faire ce que vous avez à faire, par tous les moyens. C'est mon conseil le plus important. Pensez à votre art, cherchez au fond de vous-même et soyez génial. Ne vous inquiétez pas de votre site web, de votre de management, de vos flyers, des photos de votre groupe ou de son nom, de votre liste de fans, de vos autocollants, de vos t-shirts ou de tous les trucs qui n'ont rien à voir avec la musique."

Walton a également recueilli les conseils, qu'on imagine moins radicaux que ceux de Black "abandonnez tout !" Francis, de Kristin Hersh, Kim Fowley, Colin Newman (de Wire), ou encore du producteur anglais Clive Langer.


Merci à notre correcteur anonyme :)

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13 mars 2009

Pixies : non à l'album, oui au retour sur scène

C'est officiel et tout chaud (merci à notre correspondant qui a malheureusement souhaité garder l'anonymat) : les Pixies bougent encore ! Le groupe jouera au festival de l'île de Wight, le 14 juin prochain, juste avant Neil Young.

Événement unique ou première date d'une nouvelle tournée ? D'après les organisateurs, ce sera leur seul festival britannique cette année. Reste le continent...

En revanche, pour ce qui est de coller tout ce petit monde dans un studio... cela semble décidément compromis, si l'on en croit cette interview récente qui nous a été transmise par Alex (un grand merci à lui) :
"J'ai trouvé trois petites vidéos sur YouTube d'interviews de BF et Violet a propos de Grand Duchy et... de l'hypothétique nouvel album des Pixies qui n'aura jamais lieu (reconfirmé par Charles dans la deuxième vidéo)."
Ces vidéos ont été réalisées en février pour un magazine musical en ligne allemand, laut.de.







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20 février 2009

Traduction de l'interview de Violet dans le Sun

The Sun (oui, le tabloïd anglais) vient de publier sur son site web une interview de Violet Clark, alias Mme Black Francis, alias 50 % de Grand Duchy.

Fidèles à notre tradition et dans le plus total mépris du copyright, nous vous en proposons une version française. Ne le répétez pas...




Simon Cosyns : Comment avez-vous rencontré Black/Frank/Charles (je ne sais pas comment vous l'appelez) ?

Violet Clark : Je sortais un soir et j'ai aperçu M. Black dans une allée derrière un club. Il descendait une rampe en traînant des amplis horriblement lourds, le visage en sueur. J'étais si atterrée que je suis allée droit vers lui et que j'ai dit "Vous vous foutez de moi. Vous êtes Frank Black, nom de Dieu! Il n'y a personne qui puisse porter vos amplis ?"

Quelle a été votre première impression ?

Il y a toujours eu des rumeurs comme quoi Frank Black était un peu puant, donc je m'attendais à ce qu'il me prenne de haut. Mais en fait, ma première, ma deuxième, ma troisième et ma quatrième impressions de lui ont été "Ouah, en fait c'est un ange !" Il était si terre-à-terre, très poli et extrêmement drôle.

C'est votre mari et le père de vos enfants... mais comment est-il en studio ?

Complètement différent ! Normalement mon mari est très facile à vivre, mais en studio il devient "M. Motivé". Pas de pauses, pas de blagues - on se concentre sur ce qu'on a à faire et on y va. Et il n'aime pas trop qu'on émette des doutes sur ses décisions.

Moi en revanche, en studio, soit je rigole comme une hystérique, soit je dis à Charles ce qu'il doit faire. C'est dur, parce qu'on a tous les deux tendance à vouloir diriger.

Je suppose qu'on finit par trouver un équilibre... non, c'est faux. On se rend mutuellement dingues.

Vous avez eu des disputes ?

Euh, oui. Mais on les a réglées, parce qu'on ne voulait pas que nos accrochages en studio débordent sur notre vie à la maison. On aurait du mal à fêter la sortie de notre disque si notre mariage s'était désintégré pendant qu'on l'enregistrait !

Vous aviez déjà fait de la musique auparavant ?

J'ai toujours voulu faire de la musique depuis que je suis petite. Ma mère m'achetait autant de petits synthés que ses moyens le lui permettaient, et je passais des heures à chanter devant la glace.

Au lycée, j'ai essayé de jouer dans des groupes, et j'ai détesté ça. Je me sentais ridicule et gênée. Alors je me suis rabattue sur mes études d'histoire de l'art et j'ai gardé mes ambitions musicales pour moi pendant des années.

Et puis, à 29 ans, la fameuse horloge biologique s'est remise en route ! Il me paraissait tout à coup essentiel de tenter ma chance. Alors j'ai fait un petit disque cette année-là, et j'ai rencontré mon futur mari le mois suivant.

D'où vient le nom Grand Duchy ?

Un grand duché, c'est une principauté dirigée par un duc ou une duchesse. Nous aimons l'idée d'habiter notre propre royaume, d'édicter nos propres règles.

Pour un Anglais, l'expression "petits fours" évoque de petites pâtisseries un peu écoeurantes. Sont-elles populaires aux USA ?

C'est marrant. Ici, il n'y a rien de plus exotique ! Ils ne sont pas faciles à trouver. J'aime les choses sucrées et j'ai toujours été obsédées par les petits-fours. Ils sont colorés, sucrés, ils ont plusieurs couches et plein de saveurs différentes. Ça symbolise sans doute quelque chose.

Pouvez-vous décrire l'ambiance de l'album ?

C'est difficile pour moi. Pour chaque chose qu'on peut dire de cet album, on peut aussi y trouver son opposé. Il est d'un romantisme primitif, mais il a aussi ses moments glamour. Il sonne New Wave, mais il y a aussi de grosses guitares brutes sur plusieurs chansons. Il est dur ici, doux là... très "choc des mondes".

Mais je me rends compte, en écoutant le produit fini, à quel point nous sommes allés vers le côté "pop", en ajoutant les synthés et en cherchant les refrains accrocheurs. Seeing Stars et Ermesinde sont deux exemples. Je dirais donc que c'est un album de "pop expérimentale".

Comment s'est passé l'enregistrement de Fort Wayne, la locomotive de l'album ?

Une journée magique au studio. Un magnifique jeu de chat. On a commencé avec un couplet de Charles à la guitare acoustique, on a surveillé les petits chacun son tour pendant que l'autre ajoutait des éléments. A la fin de la journée, on avait une chanson terminée.

Vous avez joué de tous les instruments vous-mêmes. Comment cela s'est-il passé ?

C'était vraiment libérateur et amusant... et, par moments, catastrophique (d'où le fait qu'une autre bassiste soit créditée sur Seeing Stars). [NDT : Silver Sorensen, membre de Guards of Metropolis et épouse de Jason Carter, qui a enregistré et mixé l'album.]

Certains perçoivent l'esprit des Pixies dans cet album, êtes-vous d'accord ?

Aucun de nous d'eux n'a recherché cela, ce serait idiot. Cela dit, je suis de cette génération, donc ça doit flotter dans l'air. Et puis il est logique que ce que fait Charles sonne un peu comme les Pixies, puisque tout cela vient de la même personne.

Étiez-vous une grande fan des Pixies ?

Pas leur plus grande fan, mais je les appréciais, et je suis allée les voir jouer quand j'étais à la fac. Mais pour être franche, j'ai été plus marquée par le premier album solo de Frank Black.

J'ai cru comprendre que vous aimiez les années 80 ?

J'adore la musique, toutes époques et tous genres confondus. Mais j'ai découvert la musique dans les années 1980, avec l'arrivée de MTV et toutes les choses excitantes que cela a apporté dans nos vies, je suis très nostalgique de cette époque.

La musique avait encore une certaine chaleur, c'était avant le tout-numérique. On pouvait entendre Hall And Oates, Prince, Madonna, Aerosmith, Joe Jackson et The Human League dans un seul bloc de rock. Ahhh...

Et Flock Of Seagulls ? (Quand même pas !)

Tout le monde les déteste. Mais je dis : oubliez leurs coupes de cheveux et contentez-vous d'écouter. Ces synthés sont magiques. Il y a un côté atmosphérique, spatial qui me fait vraiment de l'effet. Et puis si mes souvenirs sont bons, ils ont fait au moins trois mégatubes. Comment auraient-ils réussi cela s'ils étaient nuls ? [NDT : hum...]

Allez vous continuer à faire de la musique avec Black Francis ?

Nous avons très envie de faire des concerts. C'est juste une question de logistique. Nous allons continuer à enregistrer ensemble... en fait, on a déjà commencé à travailler sur l'album suivant.

Je crois que nous sommes en train de nous rendre compte, en tant que couple, que Grand Duchy n'est pas qu'un groupe, c'est un mode de vie.



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15 septembre 2008

Conversation avec Violet (troisième et dernière partie)

Blackolero : Parlez-nous de vos propres expériences musicales. Qu'est-ce que Dunmore ?

Violet Clark-Thompson : Dunmore1, c'est un peu mon Nine Inch Nails. Vous savez que ce "groupe" est en fait composé du seul Trent Reznor. C'est comme ça que Dunmore a commencé : c'était un nom de groupe pour désigner ce qui se résumait grosso modo à moi qui bricolais sur mes synthés et mon ordinateur, et qui faisais des EP. J'ai fini par m'identifier tellement à ce nom que ça devient un surnom maintenant, comme Pink ou je ne sais qui. Donc, ne soyez pas surpris quand vous verrez les crédits sur l'album de Grand Duchy.

Avez-vous trouvé un label pour l'album de Grand Duchy ?

Dieu sait que nous y travaillons. Mais nous tenons à cette idée romantique de passer par un label britannique ou européen, plutôt que par les canaux habituels.

De qui est composé Grand Duchy ?

Grand Duchy est composé de Dunmore Clark et Black Francis. Nous jouons de tous les instruments. Quoique je devrais attribuer le titre de citoyen honoraire à Jason Carter, pour ses encouragements infatigables et pour avoir mixé le disque.

Comment écrivez-vous les chansons ? Ensemble, chacun de son côté et vous les retravaillez ensuite ?... Ou peut-être que c'est vous seule qui écrivez tout ?

Tout ça à la fois. Certaines chansons sont exactement moitié-moitié, d'autres ont été écrites par moi et il est juste arrivé à la fin pour ajouter une fantastique partie de guitare. Parfois c'est ma musique et ses paroles, parfois l'inverse. La seule constante avec Grand Duchy, c'est que c'est une espèce de grande expérience surréaliste d'écriture automatique permanente, spontanée et joyeuse. Avec cinq enfants, on ne peut pas vraiment se permettre tout ce qu'on veut. Alors quand on a un studio réservé, on quitte la maison, on fonce dans la première cabine téléphonique venue pour enfiler nos costumes de super-héros alt-rock, et on va jouer à être artistiques et cool pendant quelques heures. Après quoi on reprend notre personnalité quotidienne juste à temps pour mettre les gosses au lit.

Par exemple, qui a écrit Fort Wayne ? Et comment la chanson s'est-elle retrouvée sur le Net ? Était-ce délibéré ?

Vous voyez, quand on commence à demander "qui a écrit quoi", ça se complique. Pour Fort Wayne, Charles a écrit la musique des couplets et les paroles qu'il chante. J'ai écrit la musique du refrain et mes propres paroles, y compris le passage parlé.

Quant à la fuite, je suis sûre que c'est dû aux "suspects habituels". Je réagis mal à ce genre de chose, mais rétrospectivement, cela semble avoir été une bonne chose, ou au moins un heureux accident, car ça a suscité un intérêt pour notre disque qui ne s'est jamais démenti !

Décrivez-nous la musique de Grand Duchy. Elle a été décrite comme "rafraîchissante" et "fun", mais à quoi ressemble-t-elle ?

Demander à un artiste de décrire sa propre musique est comme demander à un gorille de décrire le goût de ses propres roubignoles. Le gorille ne parviendra jamais à établir le contact entre sa bouche et ses couilles. Il en rêve, mais cela reste un rêve insaisissable.

Allez-vous essayer de faire une tournée à la sortie du disque ?

Un peu qu'on va tourner ! On ne mettra pas les gamins à l'école. On va parcourir le monde.

On a récemment pu lire sur blackfrancis.net que vous étiez déjà au travail sur un deuxième album de Grand Duchy. Où en êtes-vous ?

Nous avons beaucoup de titres non retenus pour le premier disque, plus quelques mixes de David J et des tas de petits bouts et d'amorces de nouvelles chansons.

Que s'est-il passé avec la chanson Black Suit ? Est-il vrai qu'elle auraît dû se retrouver sur la B.O. de Spider-Man 3, mais que vous l'avez livrée trop tard ?

Oui, nous l'avons terminée à la toute dernière minute, mais pour être franche elle avait été mixée dans la précipitation et le résultat n'était pas terrible. La chanson n'était pas tout à fait prête à l'époque. Elle est plus travaillée, plus polie maintenant.

En parlant de délais, Charles et vous devez avoir du mal à trouver le temps d'écrire et d'enregistrer. comment faites-vous ? Nous avons entendu des histoires : que vous écriviez des chansons entières en studio (comme Charles), que vous aviez enregistré des choeurs pour Bluefinger chez vous, pendant le petit déjeuner... Racontez-nous.

Comme je l'ai déjà dit, nous envisageons Grand Duchy comme un projet artistique, ou comme une séance de spiritisme : nous faisons appel à nos muses et suivons l'inspiration du moment.

La chanson pour laquelle j'ai chanté par-dessus un bol de céréales était She Took All The Money. J'ai enregistré ma voix sur un très vieux magnéto à cassettes, et c'est parti au studio en l'état. J'étais sceptique, mais au bout du compte, ça a donné à ma partie une texture vraiment intéressante.

Parlez-nous de l'hommage à The Cure. Comment en êtes-vous venus à y participer ? Avez-vu pu choisir la chanson ? Pourquoi avoir opté pour celle-là ?

Depuis la diffusion de Fort Wayne sur le Net, un certain label s'est mis à nous draguer, à flirter avec nous. Mais le temps passant, ils se sont rendu compte que nous avions la tête ailleurs et que nous visions peut-être plus haut. Alors le type a dit d'accord, vous ne m'offrez pas le disque de Grand Duchy, mais accepterez-vous de participer à cet hommage à The Cure ? Et comme je suis une vieille fan des Cure, comme nous tous je suppose, j'étais très excitée à l'idée de relever ce défi.

J'ai choisi A Strange Day parce que ce n'est pas une des plus connues, elle est plus obscure et c'est une de mes préférées. Maintenant que nous avons terminé l'enregistrement, je suis ravie du résultat! C'est vraiment marrant de voir comment nous avons pris cette chanson plutôt sombre, gothique, morbide pour la balancer dans la machine à "Grand-Duchy-fier". Maintenant c'est presque une chanson joyeuse.

Y a-t-il d'autres groupes que vous aimeriez reprendre ?

Oh oui ! Vous savez, quand on est jeune et qu'on a des étoiles dans les yeux, qu'on chante devant le miroir de sa chambre avec une brosse à cheveux en guise de micro, on commence par chanter les chansons des autres. Il y en a quelques-unes sur ma liste de "chansons dont j'aimerais faire une reprise un jour". A Face In The Crowd des Kinks et European par A Flock Of Seagulls sont au sommet de cette liste. Restez à l'écoute.

Jouez-vous d'autres instruments à part la basse et les claviers ?

Eh bien ce sont les deux dont je peux dire que je sais à peu près jouer. Je fais semblant de jouer de la batterie sur Petits Fours.

Bien entendu, en tant que Français, nous sommes particulièrement intéressés par l'élément "européen" de Grand Duchy. Le nom du groupe fait allusion à un petit État d'Europe du Nord, le titre de l'album est en français, vous avez même un bout de texte en français dans Fort Wayne... Évidemment, nous sommes ravis que vous nous aimiez tant, mais d'où est-ce que ça vient ?

Hum, je ne sais pas. Je crois que c'est vraiment nous. L'Europe est imprégnée d'histoire et de mystère. L'Amérique est imprégnée de ___________ (je vous laisse finir). Donc, voilà, nous sommes europhiles. Anglophiles. Francophiles. Tout me va.

J'ai étudié le français, mes enfants étudient le français. Le français est une langue magnifique et sexy.

Notre truc, c'est d'être des citoyens du monde. Nous voulons créer un univers parallèle où nous serions le roi et la reine de notre propre micro-nation où tout serait cool.

Y a-t-il une once de vérité dans la rumeur (que nous avons bien entendu répandue sans vergogne) selon laquelle vous finirez par vous installer en France avec toute la famille?

Oui.


Propos recueillis et traduits par jediroller


1 Rappel : une chanson de Dunmore figure dans le podcast de FrankBlack.net, épisode 21. (Retour à l'interview.)


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08 septembre 2008

Conversation avec Violet (deuxième partie)

Blackolero : Vous semblez venir d'univers musicaux différents. Bien que ses goûts paraissent plutôt vastes, Charles n'a jamais été connu pour être un fan de pop à synthés des années 80 ou de new-wave. Lui avez-vous fait découvrir d'autres musiques (et réciproquement) ? Avez-vous quoi que ce soit à voir avec le fait qu'il ait fait des reprises d'artistes comme Fatboy Slim ou The Good, The Bad And The Queen ?

Violet Clark-Thompson : Eh bien, d'un côté nous venons d'univers différents, mais de l'autre, pas vraiment. J'ai appris la basse dans mon dortoir de fac en jouant sur Surfer Rosa et Doolittle. Ça nous fait au moins un groupe en commun ! Mais oui... je suis presque dix ans plus jeune que Charles, donc mes goûts musicaux se sont formés à une époque totalement différente. Ce qui fait qu'il peut apprécier des trucs comme Bob Dylan ou Jethro Tull, dont je me fiche éperduement.

Bien sûr, je peux apprécier la bonne musique de toutes les époques. Mais au bout du compte, je suis une enfant des années 80. J'ai toujours été attirée par le son des synthétiseurs, je suppliais toujours ma mère de m'en acheter de nouveaux. Il y a quelque chose dans la musique de Gary Numan ou A Flock Of Seagulls, ou même dans les synthés de pas mal de chansons des Cars, que je trouve vraiment excitant et exaltant. C'est clairement ça que j'aime, et je serai toujours cette personne-là.

Je crois vraiment avoir initié Charles à la musique synthétique, et aussi à la dance. Par exemple, on est tous les deux branchés sur LCD Soundsystem depuis une paire d'années. Il s'intéressera à n'importe quoi du moment que c'est bon. J'ai dû supporter des heures et des heures de Burl Ives ces cinq dernières années. Au début, ça me rendait vraiment folle. Et puis un jour, je me suis rendu compte à quel point c'est mignon et charmant que mon mari aime tant Burl Ives. Je "pige" complètement Leonard Cohen aujourd'hui. Je "pige" un tas de musiques des années 50. Et Herman Brood !

Charles est vraiment quelqu'un de bien et de noble dans ses goûts musicaux. Toute la musique qu'il aime est vraiment belle, noble et pure.

Mais s'il y a une chose que j'aime chez Charles, c'est qu'il possède plusieurs disques des Cure et de Roxy Music, qu'il sait qui est Wire, et qu'il a tourné avec, ou connu le succès à la même époque que d'autres groupes plus new-wave, ce qui fait qu'il connaît plutôt bien un certain genre de musique auquel il ne penserait jamais à se rattacher lui-même. Mais les fans n'hésiteraient sans doute pas à associer les Pixies à un certain nombre d'autres groupes "cool". Simplement, lui ne voit pas les choses du point de vue d'un fan, ce qui fait qu'il est difficile pour Charles de comprendre qu'il est, ou a été, aussi branché que Love And Rockets ou même Public Image Limited, ou je ne sais qui.

En ce qui concerne les reprises, il en a fait beaucoup au fil des années et elles ont toujours été très variées. Réunies, elles ne forment pas vraiment une image claire, ça part un peu dans tous les sens. S'il est obsédé par un truc à un moment donné et que l'occasion se présente d'enregistrer, c'est ce qu'il fera. C'est ce qui s'est passé avec la chanson de The Good, The Bad And The Queen. Certes, je m'attribuerai sans hésiter une part de responsabilité dans son regain d'enthousiasme pour un personnage et un style de musique plus abrasifs. Mais je ne peux pas en dire autant quand Charles se met à grimper sur la batterie tout en rappant sur The Rockafeller Skank. Quel esprit génial pourrait imaginer un plan pareil, sinon celui de notre homme en personne ?

Quelle est votre impression par rapport aux fans ? Vous êtes vous sentie bien accueillie par la communauté des "überfans", comme Charles nous appelle parfois ? Vous souciez-vous seulement de ce genre de choses ?

Eh bien oui, je me soucie de ces choses-là. Je serai éternellement flattée que des gens que je ne connais pas personnellement puissent m'associer à leur amour de Charles et montrer de l'enthousiasme pour la contribution, quelle qu'elle soit, que j'ai pu apporter à sa carrière. Je ne suis pas élitiste. Spirituellement, je suis opposée à ce type de mentalité. Donc, pour moi, si mon mari ou moi-même faisons de la musique "cool", et si quelqu'un quelque part peut la reconnaître comme telle, eh bien cette personne est aussi "cool" que nous, c'est une sorte de synergie.

Les fans de Charles sont en général des gens incroyablement intelligents, drôles et charmants. Donc oui, j'aime beaucoup les fans.

Quand vous avez commencé à faire des choeurs sur les chansons de Charles, vous attendiez-vous à la comparaison avec Kim Deal ? Comment réagissez-vous à cela ?

La première fois que j'ai fait des choeurs pour Charles, c'était sur deux chansons de Fast Man Raider Man. J'étais enceinte de Lucy et je ne me sentais pas vraiment comme la plus grande rock star du monde. J'avais fait un disque toute seule avant de rencontrer Charles, mais j'étais paralysée par la timidité et le doute. J'avais donc vraiment beaucoup de craintes à dépasser. It's Just Not Your Moment et... je ne sais plus quelle était l'autre, représentaient un premier petit pas vers une plus grande visibilité.

Mais quand Bluefinger est arrivé, j'avais beaucoup plus confiance en moi et j'étais prête à me lancer, à être créative et à prendre quelques risques. Est-ce que je m'attendais à être comparée à Kim Deal ? Mon Dieu, non. J'avais envie de faire un bon boulot, parce que dans un sens je me rendais compte que prenais virtuellemnt son rôle. Mais j'imaginais être la seule à y penser, c'était une réflexion personnelle destinée à me stimuler. Je n'aurais jamais rêvé de devenir un sujet brûlant de débat ou d'analyse...

Ce que je voulais vraiment que les gens sachent, quand le disque est sorti et que tout le monde en parlait, c'était que mes contributions à Bluefinger étaient nées de façon naturelle, spontanée, en s'amusant. Je n'ai pas essayé consciemment d'être "Pixies-esque". Charles n'a pas écrit Bluefinger pour les Pixies, donc ces voix féminines n'avaient pas été écrites pour Kim Deal. Il ne les a d'ailleurs pas écrites du tout. C'est moi qui en ai improvisé la majorité, parfois sur le moment, parfois en écoutant les premiers mixes. On n'a rien répété, rien planifié. Il m'a juste guidé sur la fin d'Angels Come to Comfort You et m'a incitée à essayer différentes choses, ce qui a donné un bon résultat.

Il n'avait même pas prévu de voix féminine sur Threshold Apprehension, mais je l'ai supplié de me laisser essayer des choses que j'entendais sans cesse dans ma tête. Les "ouh-i-ouh". Je les entendais tout le temps, et aussi les harmonies du refrain. Lui disait "Non, on passe à la suite". Mais le producteur, Mark [Lemhouse], a dit "Non, vas-y Violet, fais-nous entendre ça". Et je suis si heureuse d'avoir insisté, parce que je trouve que ça rend vraiment la chanson bien meilleure, ça donne une dimension plus accrocheuse à ce qui est par ailleurs une chanson plutôt simple et macho. Et ça lui donne cette saveur new-wave à laquelle je reviens toujours. Donc, oui, entendre des journalistes conclure que ces lignes avaient été écrites pour Kim, c'est tout simplement ridicule. Mais c'est aussi très marrant. Qui ne serait pas secrètement ravi de pouvoir être comparé à une célèbre rockeuse que tout le monde trouve géniale ?

(À suivre...)

La première partie est ici.

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04 septembre 2008

Un message de Violet...

à tous les petits curieux qui voulaient savoir comment Frank avait eu son adresse (ils se reconnaîtront) :

"Non, je ne lui ai pas donné mon adresse email ! Je ne lui ai même pas dit mon nom de famille. Je lui ai seulement donné mon prénom et j'ai mentionné que j'étais étudiante en histoire de l'art à l'université de l'Oregon.

Charles a donc joué au détective : à l'aide de ces deux indices, il a trouvé mon adresse mail dans le répertoire des étudiants, sur le site internet de l'université.

Voilà."

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01 septembre 2008

Conversation avec Violet (première partie)

Histoire de fêter dignement cette rentrée, que diriez-vous d'une nouvelle exclu Blackolero ?

Celle-ci nous fait particulièrement plaisir. Voilà fait un bout de temps que nous voulions accueillir Violet Clark.

Il faut dire que, non contente d'être la seconde épouse de Charles Thompson et la mère de ses enfants, la dame s'est peu à peu imposée comme partenaire musicale de Black Francis, posant sa voix puis sa basse sur les compositions de son mari, pour finalement le convaincre de former avec elle un duo "euro-pop" sous le nom de Grand Duchy.

Un personnage si important de l'univers blackien ne pouvait nous échapper plus longtemps.

Cet été, nous sommes enfin parvenus à contacter directement celle que le bassiste de Bluefinger, Dan Schmid, a surnommée ici "la Grande Duchesse". Elle s'est déclarée flattée et nous a répondu avec beaucoup de générosité. À tel point que sa seule réponse à notre première question suffit à remplir la première partie de cet entretien, qui en comptera trois.

(P.S. : et pour ceux qui n'auraient pas deviné, Violet était l'informateur anonyme cité dans notre récent message à propos de Pete Yorn.)

* * *


Blackolero : Racontez-nous comment vous êtes devenue Mme Black Francis.

Violet Clark-Thompson : J'ai déménagé du Missouri vers Eugene, dans l'Oregon, pour terminer mon master d'histoire de l'art en 1996. Comme je suis fille unique, ma mère s'est aussi installée ici pour se rapprocher de moi. En 2003, je vivais ici depuis un bon moment, j'avais eu deux enfants et je travaillais pour un musée tout en faisant des recherches pour ma thèse sur Milton Avery. J'adorais mes enfants, mais pour le reste j'étais un peu perdue. Professionnellement, je ne savais pas trop où j'allais, et j'étais engluée dans une relation qui battait sérieusement de l'aile. En fait, mon compagnon était si déprimé qu'il pouvait à peine quitter le canapé et passait son temps à dormir quand il ne travaillait pas. C'était sinistre, et je savais que j'allais partir, mais je n'arrivais pas à imaginer comment ni quand.

J'avais perdu l'habitude d'aller voir des concerts depuis que j'avais des enfants. Mais c'était une tradition pour ma mère et moi d'aller voir les Catholics au WOW Hall, chaque année en avril ou en mai. En 2003, ce concert avait lieu le jour du cinquième anniversaire de mon fils Julian, et j'étais partagée à l'idée de sortir ce soir-là. Mais j'avais organisé une super fête de pirates pour lui, il dormait profondément, et ma mère insistait vraiment (me harcelait) pour que j'y aille parce qu'elle avait déjà acheté les billets. J'ai fini par enfiler un joli petit ensemble et sortir en catastrophe.

Nous étions assez proches de la scène et la foule était bien excitée et en sueur ce soir-là, mais j'étais fatiguée et je suis restée les bras croisés, un peu en retrait, observant Charles (ou plutôt Frank pour moi à l'époque !) au lieu de baver et de crier et de péter les plombs comme tout le monde. Je n'avais acheté aucun de ses disques depuis The Cult Of Ray, mais ma mère avait suivi tout ce qu'avaient fait les Catholics et c'est vraiment pour ça que j'allais à ces concerts, pour lui tenir compagnie.

Ce soir-là, je me suis rappelée que j'avais vu un concert de Frank Black à Genève des années plus tôt, à l'époque de Cult Of Ray. J'étais avec un garçon, mais je me sentais beaucoup plus attirée par le type qui était sur scène... Mon coeur dansait la gigue. C'était peut-être une prémonition de notre future vie commune !?

Si vous connaissez Charles, vous savez qu'il déteste les groupies et qu'en général il ne parle pas aux filles qui viennent à ses concerts. Mais apparemment, il a été marqué par la vision de cette fille à la dégaine d'artiste qui se tenait au deuxième rang, l'air indifférent, les bras croisés. Enfin c'est lui qui le dit !

Au bout du compte, nous nous sommes rencontrés par hasard sur le parking après le concert. Je traînais, pas très pressée de rentrer à la maison après une soirée sympa en ville, un événement rare pour moi. J'étais là, dans l'allée, à regarder le groupe charger son matériel. C'était à l'époque où ils le faisaient encore eux-mêmes. Je n'arrivais pas à croire que Frank Black doive trimballer son propre matériel. Et tout à coup, le voilà qui arrive et qui pose un ampli juste devant moi. Je lui demande comment il se fait qu'il doive encore porter son matériel lui-même. J'ai immédiatement regretté d'avoir ouvert la bouche ! J'avais entendu dire qu'il pouvait être vraiment, vraiment désagréable et j'avais peur de le mettre en rogne ! Mais au lieu de faire le grincheux, il était tout timide et gentil. Il m'a regardé droit dans les yeux et a fait une réponse amusante, du genre "Je faisais ça dans le ventre de ma mère". On a discuté pendant un quart d'heure. En réponse à ses questions, je lui ai dit que je m'appelais Violet et que j'étudiais l'histoire de l'art à la fac. On a un peu parlé d'art. Puis les autres gars l'ont appelé dans le bus. On s'est dit adieu. Et c'était tout. J'étais fière d'avoir rencontré Frank Black, heureuse qu'il soit gentil et pas grincheux. Je suis rentrée à la maison, j'ai embrassé mes enfants et je suis allée me coucher.

Quelques jours plus tard, je jetais un oeil à mes emails. Je fais partie des gens qui vérifient leur dossier "spam" un jour sur deux, parce qu'il arrive souvent que des messages important atterrissent là. Mais à l'époque, je le faisais beaucoup plus rarement. Bref, ce jour-là, je ressens le besoin de vérifier mes spams. Eh bien, il y avait là un court message sibyllin signé "Charles", qui disait "Heureux de t'avoir rencontrée" ou quelque chose comme ça. Je n'étais pas une "über-fan" au point de savoir que le vrai nom de Frank Black était Charles, et il m'a fallu un moment pour assembler le puzzle. J'ai presque balancé le message à la corbeille. Et tout à coup, j'ai eu une illumination. Une recherche sur Google confirmait mon intuition - OUAH ! Frank Black s'appelle en fait Charles Thompson !? Et il m'a envoyé un message il y a trois ou quatre jours et j'ai failli le balancer ! J'avais du mal à y croire. Je me disais "Oh, c'est super, il veut qu'on soit amis". Il ne me serait jamais venu à l'esprit qu'il avait craqué sur moi. J'étais loin de me douter qu'il avait déjà dans l'idée de faire de moi la mère de ses enfants !

On a échangé des mails. Je ne voyais en lui qu'un ami vraiment cool. J'avais vu des photos où il portait une alliance. Il la portait peut-être quand on s'est parlé au concert. J'étais donc sceptique. Petit à petit, j'ai entendu parler de la fin de son mariage et découvert qu'il était à nouveau célibataire. J'étais à la fois soulagée et intriguée.

Il se passionnait pour l'astrologie chinoise, il me racontait comment il en était venu à s'y intéresser sérieusement. Il avait découvert qu'il était Serpent et que les Serpents s'entendaient pariculièrement bien avec les Boeufs. Il savait donc, dès sa séparation d'avec Jean, que sa prochaine femme devrait être Boeuf. Après ça, on a regardé ma date de naissance et j'ai été abasourdie de découvrir que j'étais, en fait, née sous le signe du Boeuf. C'est à ce moment-là qu'il a vraiment commencé à me faire la cour. Cela confirmait ce que son intuition lui avait soufflé - que je serais la prochaine Mme Thompson !

À la fin de la tournée, environ deux semaines plus tard, Charles a sauté dans sa Cadillac et conduit tout droit jusqu'à Eugene. Je vivais encore avec mon futur ex, il restait donc quelques petits soucis à régler. Notamment quand il s'est fait prescrire du Prozac et qu'il est soudain revenu à la vie, se rendant compte qu'en fait il nous aimait vraiment bien, moi et les enfants ! Mais au mois de juin j'avais déménagé avec Julian et Annabelle et Charles cherchait un loft à Portland. Et nous étions raides dingues l'un de l'autre, c'en était écoeurant !

(À suivre...)

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10 avril 2008

Entretien avec Mark Lemhouse, producteur de "Bluefinger"

Black Francis et Mark Lemhouse - Photo Jason Carter
Qui parmi nous avait entendu parler de Mark Lemhouse avant qu'il ne produise Bluefinger ? Personne, avouons-le. Blackolero ne pouvait décemment pas laisser plus longtemps dans l'ombre le mystérieux collaborateur de Black Francis, d'autant que les deux hommes ont semble-t-il, plus d'un projet dans leurs cartons. Car en plus d'être un songwriter talentueux, Mark Lemhouse est aussi un aspirant graphiste auquel Black Francis n'a pas tardé à confier quelques missions, à commencer par la création de la pochette de Svn Fngrs.
Nous avons donc contacté le bluesman orégonien, qui s'est prêté avec bonne grâce et simplicité au jeu ingrat de l'entretien par courrier électronique.




Blackolero : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Pourquoi devrions-nous acheter vos disques ?

Mark Lemhouse : Je suis Mark Lemhouse. En ce qui concerne Black Francis, c’est moi qui ai officié comme producteur sur son album Bluefinger. J'ai 36 ans, je suis originaire de Portland, mais j’ai vécu à Memphis (Tennessee) avant de revenir dans l’Oregon il y a quelques années.
Pourquoi devriez-vous acheter mes disques ? Parce qu’ils sont à vendre, et que j’aime à penser que j’ai travaillé dur pour les rendre intéressants !

Depuis combien de temps connaissez-vous Black Francis ?

Je le connais depuis 2005. Nous étions "invités spéciaux" lors d’un concert avec Larry Norman. Nous nous sommes rencontrés aux répétitions et j’ai tout de suite aimé Charles, c’est vraiment un type sympa. Il m’a donné un exemplaire de son album Honeycomb, qui venait de sortir à l’époque.

Aviez-vous travaillé ensemble avant qu’il ne vous demande de produire Bluefinger ? Comment est-ce arrivé ?

Non, Bluefinger est le premier projet sur lequel nous avons travaillé ensemble. Après notre rencontre, on a continué à communiquer par email, on parlait de faire de la musique ensemble, pour le plaisir ou plus sérieusement. Charles avait besoin d’enregistrer une piste bonus pour son "Best of" de l’été dernier, et il m’a appelé pour que je produise une ou deux chansons. C’était en décembre. Nous sommes entrés en studio en janvier, et nous en sommes ressortis avec un album entier.

Comment décririez-vous les sessions d’enregistrement de Bluefinger ?

On s’est bien amusés. Tout le monde était très détendu et simplement heureux de travailler sur toutes les idées qui venaient à l’esprit de Charles. Mais on a vraiment bossé dur, sans aucune pause. On enregistrait les chansons à la chaîne.
Après le premier jour, Charles m’a dit qu’il était vraiment content de la façon dont ça se déroulait, et quand il est revenu au studio le lendemain, il m’a dit qu’il avait quelque chose comme 9 chansons supplémentaires ! Il m’a dit que cet album allait être signé Black Francis, il avait même le titre. Il nous a expliqué tout le concept autour d’Herman Brood et de l’histoire de sa vie, et dès ce deuxième jour, il était vraiment très attaché à ce que ce soit le thème du disque.
Sa femme Violet est venue plus tard pour enregistrer les chœurs. Elle est fantastique, sa voix a beaucoup de caractère et elle a de vraiment bonnes idées.

Quelle était votre rôle en tant que producteur, à part de jouer de la cloche et d’ajouter des cris (sur Threshold Apprehension) ?

Pour être tout à fait franc, je n’avais jamais produit aucun disque avant celui-là. J’ai puisé dans ce que j’avais appris auprès de producteurs avec lesquels j’avais travaillé à Memphis… Je n’ai pas essayé de tout contrôler, j’ai voulu laisser les musiciens faire leur truc et être honnête avec eux, en leur disant si la prise était bonne ou non. C’est moi qui ai suggéré de se passer de guitare solo sur ce disque. J’aimais le jeu de guitare de Charles sur ces enregistrements, il joue vraiment bien et j’ai commencé à me dire qu’il fallait que sa guitare soit très présente. Les Ramones n’avaient pratiquement jamais de guitare solo sur leurs disques, et ils s’en sortaient très bien. J’ai ajouté des parties de guitare sur quelques pistes, mais je ne pensais pas que cela améliorait les chansons. J’ai fini par dire "Et puis merde, Charles, ne mettons pas DU TOUT de guitare solo sur cet album !" Je suis heureux qu’il ait accepté. De cette manière, rien ne venait polluer les chansons, on entendait simplement trois types qui faisaient du rock, et à mon avis ça sonne beaucoup plus sincère comme ça. On a seulement rempli un peu avec de l’harmonica, un peu de claviers et les chœurs.
Au bout du compte, la meilleure idée que j’ai eue en tant que "producteur" a été de demander à Jason Carter de jouer de la batterie sur cet album. C’est non seulement un grand batteur, mais aussi un très bon ami à moi. Il a enregistré et tourné avec moi dans le passé et je savais qu’il ferait parfaitement l’affaire pour ce disque.

Vous avez vu Black Francis travailler sur Bluefinger, nous savons qu’il lui est arrivé d’écrire une chanson en 10 minutes. Comment vous y prenez-vous pour écrire une chanson ? Quelle a été votre réaction face à sa "méthode" ?

En général, je commence avec une mélodie et une suite d’accords que j’aime bien, puis je remplis avec des paroles. Je suppose que ça se passe comme ça pour la plupart des musiciens. Charles, lui, commence apparemment par réserver le studio et il écrit les chansons ensuite. Il a une famille avec de très jeunes enfants, ce qui fait qu’il n’a pas beaucoup de temps pour écrire dans la journée. Du coup, quand il a l’occasion de se concentrer sur la musique, il y va à fond. Je ne le vois pas comme quelqu’un qui a besoin d’allumer un tas de bougies, fumer un peu d’herbe et faire du yoga pour entrer dans la "zone" qui lui permet d’écrire. Il le fait, tout simplement, parce que c’est son métier. Et puis, le fait de disposer d’un temps limité peut être stimulant, ça vous oblige vraiment à vous concentrer !

Vous voyez-vous refaire ce travail de producteur pour quelqu’un d’autre dans un avenir proche ? Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

Je me dis que ce serait marrant si Bluefinger restait la seule chose que j’aie jamais produite. C’est ce qui s’appellerait partir au top ! La vérité, c’est que je ne suis pas vraiment un producteur. Ça dépendrait du projet et de ce que l’artiste attendrait de moi.
Ce que j’en retiendrai, c’est probablement le fait d’avoir un nouvel ami avec lequel je peux collaborer sur des projets créatifs, qu’il s’agisse de musique ou d’arts visuels. Charles est vraiment quelqu’un qui gagne à être connu.

Vous avez aussi créé la pochette de Svn Fngrs. Ça vous arrive souvent de faire des pochettes pour d’autres musiciens, ou même pour vous-même ?

J’étudie les arts graphiques en ce moment. Je fais toujours de la musique, bien entendu, mais ça faisait longtemps que j’avais envie de faire du graphisme. J’ai fait un peu d’art avant, mais je n’avais jamais conçu de pochette d’album. Ça me plaît vraiment et j’adorerais le faire pour d’autres artistes. J’envisage de créer moi-même la pochette de mon prochain album, pour faire des économies, mais aussi pour le plaisir.

Vous êtes décrit comme un bluesman. Quel est votre rapport à l’univers musical de Black Francis ? Êtes-vous aussi intéressé par le "rock alternatif" ? Qu’écoutez-vous ?

Comment je me situe par rapport à l’univers musical de Black Francis ? En tant que musiciens, nous venons de genres différents, mais nous ne sommes pas si éloignés que ça l’un de l’autre. Je suis un gars qui fait du "roots/blues/folk" en solo et il fait du rock alternatif, mais ça ne signifie pas que nos mondes musicaux soient à l’opposé l’un de l’autre. Ce n’est que de la musique… Nous écrivons tous les deux des chansons, nous jouons tous les deux de la guitare, nous nous produisons devant un public et ces points communs suffisent à rendre les choses intéressantes dans notre "univers".
Si je m’intéresse au rock alternatif ? Je suppose que oui. Mais c’est un genre que je ne connais pas très bien. Si c’est bon, j’écouterai. En ce moment j’écoute cet album de Marty Robbins, Gunfighter Ballads & Trail Songs. C’est génial. Il fait de la country, mais ça reste alternatif… c’est une "alternative" à la country de merde qui passe à la radio actuellement.

Quelle est votre chanson préférée de Frank Black / Black Francis (toutes époques confondues) et pourquoi ?

Eh bien, la première chanson de lui que j’ai entendue était "Headache". C’est celle-là qui m’a donné envie d’entendre le reste. Pourquoi je l’apprécie ? J’adore la mélodie, les paroles sont géniales, et le changement d’accord est vraiment sublime. Superbe chanson.

Aimiez-vous les Pixies ? Qu’avez-vous pensé de la réunion ?

Non, ça fait à peine quelques années que j’ai découvert les Pixies. J’espère que cette réponse ne sera pas mal reçue, c’est juste qu’à la fin des années 80 j’écoutais des choses tout à fait différentes. Le temps que je me décide à écouter les albums des Pixies, le groupe s’était déjà réuni et avait déjà joué dans ma région. Je les ai donc loupés deux fois !

Vous êtes, avec Charles Normal, à l’origine du projet de reprise de l’album de Lee Hazlewood Trouble Is A Lonesome Town [cf. notre entretien avec Jason Carter et Dan Schmid]. Pourquoi avoir choisi cet album en particulier ?

En fait, c’est Charly Normal qui en a eu l’idée, qui a monté le projet et qui l’a mené à bien jusqu’à maintenant. Je suis incapable de rester concentré sur la même chose aussi longtemps. C’est un gros projet. J’étais impliqué dedans au tout début, mais j’ai été absorbé par d’autres choses. Mais Charly n’a jamais laissé tomber, il a une meilleure capacité de concentration que la plupart des gens.
Pourquoi ce disque-là ? Je suppose que tous les musiciens qui participent ont du respect pour Lee Hazlewood et qu’ils aiment le disque original autant que nous.

Comment décririez-vous l’album de Lee Hazlewood et votre version ?

Le disque original est très minimaliste. Les arrangements reflètent l’idée de "solitude" du titre [qu'on peut traduire par "Trouble est une ville solitaire", "Trouble" signifiant également "ennuis" - NDLR]. Quant à la nouvelle version, je n’en ai pas entendu assez pour répondre.

Sur combien de chansons entendra-t-on Black Francis ?

Deux ou trois, je ne suis pas sûr.

Le regretté Larry Norman était aussi de la partie. Parlez-nous de lui. Vous le connaissiez bien ?

Larry était à la fois un voisin et un ami proche, et je l’aimais énormément. C’était un homme exceptionnel et un musicien légendaire. J’ai joué de la guitare sur une de ses tournées en Europe et j’ai appris énormément de choses sur l’écriture et la scène à son contact. Personne ne ressemblait à Larry, il était vraiment unique et il va beaucoup me manquer.

Vous avez évoqué d’autres projets avec Black Francis, pouvez-vous nous en dire plus ?

Les "autres projets" sur lesquels je travaille en ce moment se limitent à des créations graphiques pour lui. J’ai la chance d’avoir pu collaborer avec lui comme musicien (sur Bluefinger) et désormais comme graphiste. Les projets en cours sont vraiment cool, en particulier le format sur lequel nous travaillons en ce moment.
Je ne devrais rien dire de plus tant que Charles n'a rien annoncé. Mais au bout du compte, tout ça finira par de la musique, et de la VRAIMENT BONNE musique en plus !

Vous étiez récemment à la recherche de photos prises lors de la dernière tournée européenne. Cela signifie-t-il qu’un album live est en projet ? Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?

Oui, j’ai trouvé des photos vraiment excellentes, grâce à la participation des fans sur frankblack.net. Une fois de plus, concernant la nature du projet, je préfère ne rien dire tant que Charles ne s’est pas exprimé.

J’adorerais entendre du banjo sur une chanson de Black Francis. Pourriez-vous le convaincre de vous laisser jouer du banjo sur une de ses chansons ?

OUI ! Le banjo est la plus grande invention de l’humanité. En fait, j’en ai offert un à Charles l’an dernier. Je pense que ce serait encore mieux s’il en jouait lui-même, il pourrait s’enregistrer via un gros ampli associé à une distortion, avec un tuba pour jouer les parties de basse. S’il ne le fait pas, je le ferai.

Dans une interview récente, Black Francis dit que vous travaillez sur un "album-concept à propos d’un tueur en série au Texas". De quoi s’agit-il ?

En fait, ça s’est passé en Oklahoma. Un type a pris un fer à cheval, l’a cloué sur une planche et s’en est servi pour battre quelqu’un à mort. Le meurtrier voulait que l’on croie que la victime avait été piétinée par un cheval. C’est une histoire vraie qui date des années 1920. Mais comme Bluefinger et Trouble Is A Lonesome Town sont déjà tous les deux des albums-concepts, je crois que je vais éviter d’en faire un de plus et que je me contenterai d’écrire une chanson sur cette histoire.

Parlez-nous un peu plus de votre musique. Combien d’albums avez-vous publiés ? Nous avons vu que votre prochain disque était annoncé le site de Slackertone Records (NDLR : le label de Charles Normal & Co), avez-vous une date ?

J’ai été guitariste sur les albums de plusieurs groupes et j’ai publié deux albums solo. The Great American Yard Sale est le plus récent. Je travaille en ce moment sur le troisième. Mes disques sont disponibles sur Amazon.com et iTunes. Quant à l’album chez Slackertone, je ne pense pas que ça se fera. Ils sont déjà très occupés avec d’autres groupes et avec le projet Trouble Is A Lonesome Town. Ce n’est pas comme si "un deal avait foiré" ou je ne sais quoi, c’est juste qu’ils ont suffisamment de boulot en ce moment et que je voulais que mon disque paraisse à l’automne. Mais il n’y a aucun malaise, nous sommes tous amis.


www.marklemhouse.com



Entretien et traduction : jediroller
Photo du haut prise par Jason Carter lors de l'enregistrement de Bluefinger

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