¡BLACKOLERO!

Frank Black, Black Francis, Pixies, Breeders

10 avril 2008

Entretien avec Mark Lemhouse, producteur de "Bluefinger"

Black Francis et Mark Lemhouse - Photo Jason Carter
Qui parmi nous avait entendu parler de Mark Lemhouse avant qu'il ne produise Bluefinger ? Personne, avouons-le. Blackolero ne pouvait décemment pas laisser plus longtemps dans l'ombre le mystérieux collaborateur de Black Francis, d'autant que les deux hommes ont semble-t-il, plus d'un projet dans leurs cartons. Car en plus d'être un songwriter talentueux, Mark Lemhouse est aussi un aspirant graphiste auquel Black Francis n'a pas tardé à confier quelques missions, à commencer par la création de la pochette de Svn Fngrs.
Nous avons donc contacté le bluesman orégonien, qui s'est prêté avec bonne grâce et simplicité au jeu ingrat de l'entretien par courrier électronique.




Blackolero : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Pourquoi devrions-nous acheter vos disques ?

Mark Lemhouse : Je suis Mark Lemhouse. En ce qui concerne Black Francis, c’est moi qui ai officié comme producteur sur son album Bluefinger. J'ai 36 ans, je suis originaire de Portland, mais j’ai vécu à Memphis (Tennessee) avant de revenir dans l’Oregon il y a quelques années.
Pourquoi devriez-vous acheter mes disques ? Parce qu’ils sont à vendre, et que j’aime à penser que j’ai travaillé dur pour les rendre intéressants !

Depuis combien de temps connaissez-vous Black Francis ?

Je le connais depuis 2005. Nous étions "invités spéciaux" lors d’un concert avec Larry Norman. Nous nous sommes rencontrés aux répétitions et j’ai tout de suite aimé Charles, c’est vraiment un type sympa. Il m’a donné un exemplaire de son album Honeycomb, qui venait de sortir à l’époque.

Aviez-vous travaillé ensemble avant qu’il ne vous demande de produire Bluefinger ? Comment est-ce arrivé ?

Non, Bluefinger est le premier projet sur lequel nous avons travaillé ensemble. Après notre rencontre, on a continué à communiquer par email, on parlait de faire de la musique ensemble, pour le plaisir ou plus sérieusement. Charles avait besoin d’enregistrer une piste bonus pour son "Best of" de l’été dernier, et il m’a appelé pour que je produise une ou deux chansons. C’était en décembre. Nous sommes entrés en studio en janvier, et nous en sommes ressortis avec un album entier.

Comment décririez-vous les sessions d’enregistrement de Bluefinger ?

On s’est bien amusés. Tout le monde était très détendu et simplement heureux de travailler sur toutes les idées qui venaient à l’esprit de Charles. Mais on a vraiment bossé dur, sans aucune pause. On enregistrait les chansons à la chaîne.
Après le premier jour, Charles m’a dit qu’il était vraiment content de la façon dont ça se déroulait, et quand il est revenu au studio le lendemain, il m’a dit qu’il avait quelque chose comme 9 chansons supplémentaires ! Il m’a dit que cet album allait être signé Black Francis, il avait même le titre. Il nous a expliqué tout le concept autour d’Herman Brood et de l’histoire de sa vie, et dès ce deuxième jour, il était vraiment très attaché à ce que ce soit le thème du disque.
Sa femme Violet est venue plus tard pour enregistrer les chœurs. Elle est fantastique, sa voix a beaucoup de caractère et elle a de vraiment bonnes idées.

Quelle était votre rôle en tant que producteur, à part de jouer de la cloche et d’ajouter des cris (sur Threshold Apprehension) ?

Pour être tout à fait franc, je n’avais jamais produit aucun disque avant celui-là. J’ai puisé dans ce que j’avais appris auprès de producteurs avec lesquels j’avais travaillé à Memphis… Je n’ai pas essayé de tout contrôler, j’ai voulu laisser les musiciens faire leur truc et être honnête avec eux, en leur disant si la prise était bonne ou non. C’est moi qui ai suggéré de se passer de guitare solo sur ce disque. J’aimais le jeu de guitare de Charles sur ces enregistrements, il joue vraiment bien et j’ai commencé à me dire qu’il fallait que sa guitare soit très présente. Les Ramones n’avaient pratiquement jamais de guitare solo sur leurs disques, et ils s’en sortaient très bien. J’ai ajouté des parties de guitare sur quelques pistes, mais je ne pensais pas que cela améliorait les chansons. J’ai fini par dire "Et puis merde, Charles, ne mettons pas DU TOUT de guitare solo sur cet album !" Je suis heureux qu’il ait accepté. De cette manière, rien ne venait polluer les chansons, on entendait simplement trois types qui faisaient du rock, et à mon avis ça sonne beaucoup plus sincère comme ça. On a seulement rempli un peu avec de l’harmonica, un peu de claviers et les chœurs.
Au bout du compte, la meilleure idée que j’ai eue en tant que "producteur" a été de demander à Jason Carter de jouer de la batterie sur cet album. C’est non seulement un grand batteur, mais aussi un très bon ami à moi. Il a enregistré et tourné avec moi dans le passé et je savais qu’il ferait parfaitement l’affaire pour ce disque.

Vous avez vu Black Francis travailler sur Bluefinger, nous savons qu’il lui est arrivé d’écrire une chanson en 10 minutes. Comment vous y prenez-vous pour écrire une chanson ? Quelle a été votre réaction face à sa "méthode" ?

En général, je commence avec une mélodie et une suite d’accords que j’aime bien, puis je remplis avec des paroles. Je suppose que ça se passe comme ça pour la plupart des musiciens. Charles, lui, commence apparemment par réserver le studio et il écrit les chansons ensuite. Il a une famille avec de très jeunes enfants, ce qui fait qu’il n’a pas beaucoup de temps pour écrire dans la journée. Du coup, quand il a l’occasion de se concentrer sur la musique, il y va à fond. Je ne le vois pas comme quelqu’un qui a besoin d’allumer un tas de bougies, fumer un peu d’herbe et faire du yoga pour entrer dans la "zone" qui lui permet d’écrire. Il le fait, tout simplement, parce que c’est son métier. Et puis, le fait de disposer d’un temps limité peut être stimulant, ça vous oblige vraiment à vous concentrer !

Vous voyez-vous refaire ce travail de producteur pour quelqu’un d’autre dans un avenir proche ? Qu’avez-vous retiré de cette expérience ?

Je me dis que ce serait marrant si Bluefinger restait la seule chose que j’aie jamais produite. C’est ce qui s’appellerait partir au top ! La vérité, c’est que je ne suis pas vraiment un producteur. Ça dépendrait du projet et de ce que l’artiste attendrait de moi.
Ce que j’en retiendrai, c’est probablement le fait d’avoir un nouvel ami avec lequel je peux collaborer sur des projets créatifs, qu’il s’agisse de musique ou d’arts visuels. Charles est vraiment quelqu’un qui gagne à être connu.

Vous avez aussi créé la pochette de Svn Fngrs. Ça vous arrive souvent de faire des pochettes pour d’autres musiciens, ou même pour vous-même ?

J’étudie les arts graphiques en ce moment. Je fais toujours de la musique, bien entendu, mais ça faisait longtemps que j’avais envie de faire du graphisme. J’ai fait un peu d’art avant, mais je n’avais jamais conçu de pochette d’album. Ça me plaît vraiment et j’adorerais le faire pour d’autres artistes. J’envisage de créer moi-même la pochette de mon prochain album, pour faire des économies, mais aussi pour le plaisir.

Vous êtes décrit comme un bluesman. Quel est votre rapport à l’univers musical de Black Francis ? Êtes-vous aussi intéressé par le "rock alternatif" ? Qu’écoutez-vous ?

Comment je me situe par rapport à l’univers musical de Black Francis ? En tant que musiciens, nous venons de genres différents, mais nous ne sommes pas si éloignés que ça l’un de l’autre. Je suis un gars qui fait du "roots/blues/folk" en solo et il fait du rock alternatif, mais ça ne signifie pas que nos mondes musicaux soient à l’opposé l’un de l’autre. Ce n’est que de la musique… Nous écrivons tous les deux des chansons, nous jouons tous les deux de la guitare, nous nous produisons devant un public et ces points communs suffisent à rendre les choses intéressantes dans notre "univers".
Si je m’intéresse au rock alternatif ? Je suppose que oui. Mais c’est un genre que je ne connais pas très bien. Si c’est bon, j’écouterai. En ce moment j’écoute cet album de Marty Robbins, Gunfighter Ballads & Trail Songs. C’est génial. Il fait de la country, mais ça reste alternatif… c’est une "alternative" à la country de merde qui passe à la radio actuellement.

Quelle est votre chanson préférée de Frank Black / Black Francis (toutes époques confondues) et pourquoi ?

Eh bien, la première chanson de lui que j’ai entendue était "Headache". C’est celle-là qui m’a donné envie d’entendre le reste. Pourquoi je l’apprécie ? J’adore la mélodie, les paroles sont géniales, et le changement d’accord est vraiment sublime. Superbe chanson.

Aimiez-vous les Pixies ? Qu’avez-vous pensé de la réunion ?

Non, ça fait à peine quelques années que j’ai découvert les Pixies. J’espère que cette réponse ne sera pas mal reçue, c’est juste qu’à la fin des années 80 j’écoutais des choses tout à fait différentes. Le temps que je me décide à écouter les albums des Pixies, le groupe s’était déjà réuni et avait déjà joué dans ma région. Je les ai donc loupés deux fois !

Vous êtes, avec Charles Normal, à l’origine du projet de reprise de l’album de Lee Hazlewood Trouble Is A Lonesome Town [cf. notre entretien avec Jason Carter et Dan Schmid]. Pourquoi avoir choisi cet album en particulier ?

En fait, c’est Charly Normal qui en a eu l’idée, qui a monté le projet et qui l’a mené à bien jusqu’à maintenant. Je suis incapable de rester concentré sur la même chose aussi longtemps. C’est un gros projet. J’étais impliqué dedans au tout début, mais j’ai été absorbé par d’autres choses. Mais Charly n’a jamais laissé tomber, il a une meilleure capacité de concentration que la plupart des gens.
Pourquoi ce disque-là ? Je suppose que tous les musiciens qui participent ont du respect pour Lee Hazlewood et qu’ils aiment le disque original autant que nous.

Comment décririez-vous l’album de Lee Hazlewood et votre version ?

Le disque original est très minimaliste. Les arrangements reflètent l’idée de "solitude" du titre [qu'on peut traduire par "Trouble est une ville solitaire", "Trouble" signifiant également "ennuis" - NDLR]. Quant à la nouvelle version, je n’en ai pas entendu assez pour répondre.

Sur combien de chansons entendra-t-on Black Francis ?

Deux ou trois, je ne suis pas sûr.

Le regretté Larry Norman était aussi de la partie. Parlez-nous de lui. Vous le connaissiez bien ?

Larry était à la fois un voisin et un ami proche, et je l’aimais énormément. C’était un homme exceptionnel et un musicien légendaire. J’ai joué de la guitare sur une de ses tournées en Europe et j’ai appris énormément de choses sur l’écriture et la scène à son contact. Personne ne ressemblait à Larry, il était vraiment unique et il va beaucoup me manquer.

Vous avez évoqué d’autres projets avec Black Francis, pouvez-vous nous en dire plus ?

Les "autres projets" sur lesquels je travaille en ce moment se limitent à des créations graphiques pour lui. J’ai la chance d’avoir pu collaborer avec lui comme musicien (sur Bluefinger) et désormais comme graphiste. Les projets en cours sont vraiment cool, en particulier le format sur lequel nous travaillons en ce moment.
Je ne devrais rien dire de plus tant que Charles n'a rien annoncé. Mais au bout du compte, tout ça finira par de la musique, et de la VRAIMENT BONNE musique en plus !

Vous étiez récemment à la recherche de photos prises lors de la dernière tournée européenne. Cela signifie-t-il qu’un album live est en projet ? Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?

Oui, j’ai trouvé des photos vraiment excellentes, grâce à la participation des fans sur frankblack.net. Une fois de plus, concernant la nature du projet, je préfère ne rien dire tant que Charles ne s’est pas exprimé.

J’adorerais entendre du banjo sur une chanson de Black Francis. Pourriez-vous le convaincre de vous laisser jouer du banjo sur une de ses chansons ?

OUI ! Le banjo est la plus grande invention de l’humanité. En fait, j’en ai offert un à Charles l’an dernier. Je pense que ce serait encore mieux s’il en jouait lui-même, il pourrait s’enregistrer via un gros ampli associé à une distortion, avec un tuba pour jouer les parties de basse. S’il ne le fait pas, je le ferai.

Dans une interview récente, Black Francis dit que vous travaillez sur un "album-concept à propos d’un tueur en série au Texas". De quoi s’agit-il ?

En fait, ça s’est passé en Oklahoma. Un type a pris un fer à cheval, l’a cloué sur une planche et s’en est servi pour battre quelqu’un à mort. Le meurtrier voulait que l’on croie que la victime avait été piétinée par un cheval. C’est une histoire vraie qui date des années 1920. Mais comme Bluefinger et Trouble Is A Lonesome Town sont déjà tous les deux des albums-concepts, je crois que je vais éviter d’en faire un de plus et que je me contenterai d’écrire une chanson sur cette histoire.

Parlez-nous un peu plus de votre musique. Combien d’albums avez-vous publiés ? Nous avons vu que votre prochain disque était annoncé le site de Slackertone Records (NDLR : le label de Charles Normal & Co), avez-vous une date ?

J’ai été guitariste sur les albums de plusieurs groupes et j’ai publié deux albums solo. The Great American Yard Sale est le plus récent. Je travaille en ce moment sur le troisième. Mes disques sont disponibles sur Amazon.com et iTunes. Quant à l’album chez Slackertone, je ne pense pas que ça se fera. Ils sont déjà très occupés avec d’autres groupes et avec le projet Trouble Is A Lonesome Town. Ce n’est pas comme si "un deal avait foiré" ou je ne sais quoi, c’est juste qu’ils ont suffisamment de boulot en ce moment et que je voulais que mon disque paraisse à l’automne. Mais il n’y a aucun malaise, nous sommes tous amis.


www.marklemhouse.com



Entretien et traduction : jediroller
Photo du haut prise par Jason Carter lors de l'enregistrement de Bluefinger

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2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Super les gars, ça c'est des goodies comme je les aimes !

10/04/2008 15:34  
Blogger Dr. Strangelove said...

Messieurs de Blackolero, vous êtes au top ! Bravo pour votre toujours excellent travail !

15/04/2008 11:25  

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