Violet Clark-Thompson : Eh bien, d'un côté nous venons d'univers différents, mais de l'autre, pas vraiment. J'ai appris la basse dans mon dortoir de fac en jouant sur
Surfer Rosa et
Doolittle. Ça nous fait au moins un groupe en commun ! Mais oui... je suis presque dix ans plus jeune que Charles, donc mes goûts musicaux se sont formés à une époque totalement différente. Ce qui fait qu'il peut apprécier des trucs comme Bob Dylan ou Jethro Tull, dont je me fiche éperduement.
Bien sûr, je peux apprécier la bonne musique de toutes les époques. Mais au bout du compte, je suis une enfant des années 80. J'ai toujours été attirée par le son des synthétiseurs, je suppliais toujours ma mère de m'en acheter de nouveaux. Il y a quelque chose dans la musique de Gary Numan ou A Flock Of Seagulls, ou même dans les synthés de pas mal de chansons des Cars, que je trouve vraiment excitant et exaltant. C'est clairement ça que j'aime, et je serai toujours cette personne-là.
Je crois vraiment avoir initié Charles à la musique synthétique, et aussi à la
dance. Par exemple, on est tous les deux branchés sur LCD Soundsystem depuis une paire d'années. Il s'intéressera à n'importe quoi du moment que c'est bon. J'ai dû supporter des heures et des heures de Burl Ives ces cinq dernières années. Au début, ça me rendait vraiment folle. Et puis un jour, je me suis rendu compte à quel point c'est mignon et charmant que mon mari aime tant Burl Ives. Je "pige" complètement Leonard Cohen aujourd'hui. Je "pige" un tas de musiques des années 50. Et Herman Brood !
Charles est vraiment quelqu'un de bien et de noble dans ses goûts musicaux. Toute la musique qu'il aime est vraiment belle, noble et pure.
Mais s'il y a une chose que j'aime chez Charles, c'est qu'il possède plusieurs disques des Cure et de Roxy Music, qu'il sait qui est Wire, et qu'il a tourné avec, ou connu le succès à la même époque que d'autres groupes plus new-wave, ce qui fait qu'il connaît plutôt bien un certain genre de musique auquel il ne penserait jamais à se rattacher lui-même. Mais les fans n'hésiteraient sans doute pas à associer les Pixies à un certain nombre d'autres groupes "cool". Simplement, lui ne voit pas les choses du point de vue d'un fan, ce qui fait qu'il est difficile pour Charles de comprendre qu'il est, ou a été, aussi branché que Love And Rockets ou même Public Image Limited, ou je ne sais qui.
En ce qui concerne les reprises, il en a fait beaucoup au fil des années et elles ont toujours été très variées. Réunies, elles ne forment pas vraiment une image claire, ça part un peu dans tous les sens. S'il est obsédé par un truc à un moment donné et que l'occasion se présente d'enregistrer, c'est ce qu'il fera. C'est ce qui s'est passé avec la chanson de The Good, The Bad And The Queen. Certes, je m'attribuerai sans hésiter une part de responsabilité dans son regain d'enthousiasme pour un personnage et un style de musique plus abrasifs. Mais je ne peux pas en dire autant quand Charles se met à grimper sur la batterie tout en rappant sur
The Rockafeller Skank. Quel esprit génial pourrait imaginer un plan pareil, sinon celui de notre homme en personne ?
Quelle est votre impression par rapport aux fans ? Vous êtes vous sentie bien accueillie par la communauté des "überfans", comme Charles nous appelle parfois ? Vous souciez-vous seulement de ce genre de choses ?Eh bien oui, je me soucie de ces choses-là. Je serai éternellement flattée que des gens que je ne connais pas personnellement puissent m'associer à leur amour de Charles et montrer de l'enthousiasme pour la contribution, quelle qu'elle soit, que j'ai pu apporter à sa carrière. Je ne suis pas élitiste. Spirituellement, je suis opposée à ce type de mentalité. Donc, pour moi, si mon mari ou moi-même faisons de la musique "cool", et si quelqu'un quelque part peut la reconnaître comme telle, eh bien cette personne est aussi "cool" que nous, c'est une sorte de synergie.
Les fans de Charles sont en général des gens incroyablement intelligents, drôles et charmants. Donc oui, j'aime beaucoup les fans.
Quand vous avez commencé à faire des choeurs sur les chansons de Charles, vous attendiez-vous à la comparaison avec Kim Deal ? Comment réagissez-vous à cela ?La première fois que j'ai fait des choeurs pour Charles, c'était sur deux chansons de
Fast Man Raider Man. J'étais enceinte de Lucy et je ne me sentais pas vraiment comme la plus grande rock star du monde. J'avais fait un disque toute seule avant de rencontrer Charles, mais j'étais paralysée par la timidité et le doute. J'avais donc vraiment beaucoup de craintes à dépasser.
It's Just Not Your Moment et... je ne sais plus quelle était l'autre, représentaient un premier petit pas vers une plus grande visibilité.
Mais quand
Bluefinger est arrivé, j'avais beaucoup plus confiance en moi et j'étais prête à me lancer, à être créative et à prendre quelques risques. Est-ce que je m'attendais à être comparée à Kim Deal ? Mon Dieu, non. J'avais envie de faire un bon boulot, parce que dans un sens je me rendais compte que prenais virtuellemnt son rôle. Mais j'imaginais être la seule à y penser, c'était une réflexion personnelle destinée à me stimuler. Je n'aurais jamais rêvé de devenir un sujet brûlant de débat ou d'analyse...
Ce que je voulais vraiment que les gens sachent, quand le disque est sorti et que tout le monde en parlait, c'était que mes contributions à
Bluefinger étaient nées de façon naturelle, spontanée, en s'amusant. Je n'ai pas essayé consciemment d'être "Pixies-esque". Charles n'a pas écrit
Bluefinger pour les Pixies, donc ces voix féminines n'avaient pas été écrites pour Kim Deal. Il ne les a d'ailleurs pas écrites du tout. C'est moi qui en ai improvisé la majorité, parfois sur le moment, parfois en écoutant les premiers mixes. On n'a rien répété, rien planifié. Il m'a juste guidé sur la fin d'
Angels Come to Comfort You et m'a incitée à essayer différentes choses, ce qui a donné un bon résultat.
Il n'avait même pas prévu de voix féminine sur
Threshold Apprehension, mais je l'ai supplié de me laisser essayer des choses que j'entendais sans cesse dans ma tête. Les "ouh-i-ouh". Je les entendais tout le temps, et aussi les harmonies du refrain. Lui disait
"Non, on passe à la suite". Mais le producteur, Mark [Lemhouse], a dit
"Non, vas-y Violet, fais-nous entendre ça". Et je suis si heureuse d'avoir insisté, parce que je trouve que ça rend vraiment la chanson bien meilleure, ça donne une dimension plus accrocheuse à ce qui est par ailleurs une chanson plutôt simple et macho. Et ça lui donne cette saveur new-wave à laquelle je reviens toujours. Donc, oui, entendre des journalistes conclure que ces lignes avaient été écrites pour Kim, c'est tout simplement ridicule. Mais c'est aussi très marrant. Qui ne serait pas secrètement ravi de pouvoir être comparé à une célèbre rockeuse que tout le monde trouve géniale ?
(À suivre...)La première partie est ici.