Entre la scène, le studio et la route, Frank Black a bien voulu répondre à quelques-unes des dizaines de questions qui nous brûlent les lèvres depuis quelques semaines, voire plusieurs années. Avec une concision parfois frustrante mais qui n'exclut pas l'humour, il évoque pêle-mêle et notamment son prochain album, Eric Drew Feldman et le Massif Central, avant de nous dévoiler en exclusivité mondiale son grand fantasme secret. Prudents et diplomates, nous avons choisi, pour ce premier entretien, de ne pas évoquer les Pixies, dont le destin n'a plus grand-chose de mystérieux d'ailleurs...
Blackolero : Certains fans ont tendance à voir Fast Man Raider Man comme un lien, voire un mélange entre Dog in the Sand et Honeycomb. Partagez-vous ce point de vue ?
Frank Black : Je peux le comprendre. Je ne sais pas ce que je peux ajouter à cela. Je ne désapprouve pas cette opinion, mais d’un autre côté je pense à mes chansons comme mes chansons, rien de plus. Si l’un de mes disques s’avère contenir des éléments déjà présents sur d’autres disques, tout ce que je peux dire, c’est que le lien entre elles, c’est moi, le compositeur. Ce n’est pas une intention consciente de ma part. C’est mon son.
Il y a, mine de rien, pas mal de similitudes entre Fast Man Raider Man et Teenager of the Year… Tous deux sont généreux et variés, ils peuvent être considérés comme des prolongements de leur glorieux prédécesseur (respectivement Frank Black et Honeycomb) et ils ont fermé un chapitre dans votre discographie. Et, assez bizarrement, tous deux ont été tièdement accueillis par la critique. Un commentaire peut-être ?...
Je suis plutôt content que mes albums soient critiqués, que ce soit favorablement ou non. Quand un artiste n’est pas critiqué, il existe un peu moins sur le marché. Les chroniqueurs sont censés être critiques [critical], alors je ne les blâme pas d’être critiques. Il m’arrive de penser que leurs commentaires sont merdiques, mais c’est en partie une réaction émotionnelle à une mauvaise critique. Cela dit, il m’arrive de penser qu’ils sont merdiques indépendamment de ma réaction émotionnelle…
Eric Drew Feldman est très populaire parmi vos fans, pas seulement parce qu’il est un grand artiste, mais aussi, probablement, parce qu’il joue sur Frank Black, Teenager of the Year et Dog in the Sand, que beaucoup d’entre nous considèrent comme vos albums les plus audacieux voire les plus décisifs. Etes-vous conscient de cela, et aviez-vous cela en tête quand vous avez décidé de faire votre prochain album avec lui ?
La présence d’Eric Drew Feldman est un grand avantage quand j’enregistre, alors oui, j’ai toujours cela à l’esprit quand je travaille avec lui. En outre, c’est quelqu’un de bien [a good soul], et c’est la principale raison pour laquelle j’aime travailler avec lui.
Black Sand [titre aperçu dans la discothèque digitale de Frank Black sur MOG] est-il le titre de votre prochain album?
Non, c’est juste un titre de travail qu’Eric Drew a donné pour la session [de Houston].
Eric Drew Feldman a-t-il participé à l’écriture de votre prochain album ?
Pas encore, bien qu’il le produise et devrait beaucoup travailler sur les arrangements.
Quelles sont les deux chansons que vous avez récemment enregistrées à Houston ?
Dead Man’s Curve et That Burnt Out Rock’n’Roll [une reprise de Gary Green].
Votre prochain album inclura-t-il des chansons que vous destiniez initialement aux Pixies ?
Probablement.
Je vous ai promis de ne pas vous interroger sur le déjà légendaire 6e album des Pixies, et je tiendrai ma parole… Cependant, j’aimerais savoir quel est votre état d’esprit quand vous écrivez ou essayez d’écrire une chanson pour les Pixies. Etes-vous à l’aise, confiant, curieux, excité, un peu anxieux ?
Anxieux.
Dans ces moments-là, essayez-vous d’être Black Francis, comme vous essayiez autrefois d’être Joe Strummer sur Hate Me ou Everybody Got the Beat [clin d'oeil aux liner notes de la compilation Oddballs] ? Ou êtes-vous simplement Frank Black, peut-être un «nouveau» Frank Black expérimentant de nouvelles directions musicales ?...
Je peux essayer d’être n’importe qui, mais à la fin de la journée je finis toujours par être moi-même – du moins je l’espère. Si je suis influencé ? Oui. Mais j’espère que je vais au-delà de toute imitation dont je pourrais être coupable…
Certaines de vos chansons récentes manifestent un intérêt pour la spiritualité hindoue. Comment et quand est né cet intérêt?...
J’ai toujours intégré des idées religieuses à certaines de mes chansons. La religion est intéressante, vous ne trouvez pas ?...
Je me demande depuis longtemps de quoi parle exactement votre chanson Los Angeles (l’une de mes chansons favorites tous artistes confondus, soit dit en passant)… Je sais qu’on vous a déjà posé cette question 37.598 fois, mais on dirait que vous y répondez différemment à chaque fois…
Il est toujours difficile de dire de quoi «parle» une chanson. Les idées qui sont derrière une chanson peuvent être assez nombreuses ou assez abstraites. Si vous cherchez des réponses, il est important de penser à la psychologie...
Votre chanson Massif Central est-elle basée sur une expérience personnelle ? Avez-vous vraiment séjourné dans les «collines du centre de la France» ?
J'adore le Massif Central. Si vous y êtes, cherchez-moi...
Que sont devenues les chansons que vous avez écrites pour Shreck 2 et The Low Budget Time Machine ? Les entendrons-nous un jour ?...
Je ne sais pas. Ce n’est pas une grande priorité pour moi...
Seriez-vous prêt à écrire la B.O. d’un film, et si oui, y a-t-il un genre de film en particulier pour lequel vous aimeriez écrire ?
Pas vraiment. Les gens du cinéma investissent tellement dans leurs films, en argent comme en soucis, que vous avez vraiment l’obligation de les satisfaire, et je pense qu’il est difficile de rester fidèle à soi-même tout en leur donnant satisfaction. Je pense que les compositeurs professionnels restent plus facilement fidèles à leur art dans ce contexte.
La grande Kristin Hersh [ex-leader des Throwing Muses, maintenant à la tête de 50 Foot Wave] a joué un rôle important dans la carrière naissante des Pixies. Etes-vous encore en contact avec elle ?
Non, mais nos chemins se croisent de temps à autre. Oui, c’était généreux de sa part de me prendre en première partie de ses concerts il y a des années. Ç'a été une grande opportunité pour moi et, de fait, cela a vraiment fait avancer ma carrière.
Quel disque de Frank Black emporteriez-vous sur une île déserte ?
Devil’s Workshop.
Et quel disque des Pixies ?...
Trompe le Monde.
Aimeriez-vous ajouter un mot pour vos innombrables fans français ? Un scoop peut-être ? S’il vous plaît, ne répondez pas «Vive la France !»
Je rêve de faire un tour complet de l’Occitanie. Un jour. S’il vous plaît aidez-moi ! Je chanterai comme un vrai troubadour ! Le fantôme de Daniel Arnaut [troubadour légendaire des XIIe et XIIIe siècles] m'accompagnera ! Vive le Languedoc !
(Interview réalisée les 20 et le 22 octobre par courrier électronique.)
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