Magnet Magazine publie une interview de Violet Clark et Black Francis, qui seront également "rédacteurs en chefs invités" pendant toute la semaine. Chaque jour, un nouveau message des têtes couronnées de la pop apparaîtra sur le site.
Voici notre traduction de l'interview.
MAGNET : J'admire les couples qui font de la musique ensemble, parce que même si cela peut être excitant, cela peut aussi créer de la tension entre vous. Craigniez-vous cela quand vous vous êtes lancés dans ce projet ?Charles : Je suppose que la seule crainte était de ne pas faire quelque chose de bien. Ou peut-être, puisque nous étions un couple, que quand nous présenterions ce travail au reste du monde, tout le monde dirait "Oh, génial. Ils font ça en couple. Il traîne sa copine derrière lui maintenant." Heureusement, les réactions n'ont pas l'air d'aller dans ce sens. Nous sommes heureux que tout le monde fasse preuve de tant de maturité.
Violet, aviez-vous fait de la musique auparavant ?Violet : J'en ai fait toute seule pendant des années, avec des synthétiseurs et des boîtes à rythme, et j'ai enregistré un album juste avant de rencontrer Charles. Je suppose que c'est parce qu'il savait cela qu'il a commencé à me demander de faire des choeurs. J'ai fini par chanter sur
Bluefinger et jouer de la basse sur
Svn Fngrs. Mais [avec Grand Duchy] c'était la première fois que je contribuais à l'écriture des chansons.
Un texte de Charles accompagnait les exemplaires du CD de Grand Duchy envoyés à la presse. On y lisait : "Elle aime les années 80. J'ai passé la fin des années 80 à essayer de détruire les années 80." Vous venez donc d'univers musicaux différents.Violet : Peut-être. Ce n'est pas si tranché que ça. Il ne s'agit pas seulement des années 80, c'est la musique pop. Une sensibilité pop à laquelle, au long de son parcours, Charles ne s'est pas spécialement intéressé.
Charles : C'était juste une référence. Que voulaient faire les Pixies quand nous avons débuté en 1988
[sic, NDT] ? Je suppose que nous étions "anti-années 80" - pas tellement contre la pop/new wave mais plutôt contre le hard rock commercial ou les excès du
hair metal. Je ne sais pas si les Pixies essayaient d'être quoi que ce soit, mais nous essayions de ne pas être ça. Nous en aurions d'ailleurs été jncapables. Voilà mon rapport aux années 80. Il se trouve que Violet aime une grande partie de la musique pop de cette décennie, particulièrement dans sa première moitié.
La production soignée de Petits Fours contraste avec ce que Charles a fait ces derniers temps.Violet : On a passé pas mal de temps en post-production, ce qui n'intéresse pas tellement Charles.
Charles : Ce n'est pas évident, il y a toujours des exceptions. Mes deux premiers albums solo sont pleins de synthés, grâce au producteur, Eric Feldman. Ce n'est peut-être pas quelque chose que les gens associent avec moi, mais ce n'est pas comme si je n'avais jamais touché un synthétiseur. Le dernier album des Pixies est plein de synthés. Je ne suis pas aussi marqué à ce niveau que les Ramones ou je ne sais qui. Je crois que le disque de Grand Duchy sonne "pop" mais pas trop lisse. Par exemple, nous avons joué presque toutes les parties de basse et de batterie nous-mêmes, ce qui lui donne un côté brut, à la Velvet Underground, on joue quelques mesures à la batterie et on passe ça en boucle. Avec un vrai batteur, on aurait perdu cette naïveté.
Violet : La naïveté est un thème important de ce disque. Ne pas penser à ce qu'on ne peut pas faire, mais à ce qu'on peut faire en tant que musiciens qui ne savent pas forcément jouer de tous les instruments.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées pendant l'enregistrement ? Y avait-il des choses que l'un adorait et que l'autre voulait balancer par la fenêtre ?Charles : Seulement des sensibilités différentes et une crainte de l'univers de l'autre. Je n'ai pas de problème avec le rock garage super-abrasif des années 60, Violet si. J'ai un problème avec des choses trop propres ou trop jolies qui peuvent plaire à Violet.
Violet : Au début, ça nous stressait parce qu'on se sentait menacé par la contribution de l'autre.
Charles : On a un esprit de propriété quand on écrit une chanson, parce qu'on sent dans quelle direction elle va aller.
Charles, je ne me rappelle pas de quand date votre dernière chanson écrite à quatre mains.Charles : J'en ai écrit quelques-unes avec Reid Paley pour deux de mes albums solo, mais c'est le seul exemple ces dernières années. Au sein des Pixies, j'ai écrit deux chansons avec Kim. Je n'ai pas fait beaucoup de collaborations. C'est très dificile quand on n'a pas l'habitude. On a l'impression que l'autre ne sait pas ce qu'il fait. Il n'a pas le même vocabulaire que vous. Avec Violet, il a fallu que je me calme et que je me rende compte qu'elle apportait ce vent de fraîcheur, et que j'étais un peu dans le rôle du vieux bonhomme rassis.
D'une certaine manière, Violet avait l'avantage de connaître la musique de Charles, alors que Charles a dû découvrir cet aspect de sa femme.Violet : Exact. Il doit avoir entendu mon disque, que j'ai fait seule avec des séquenceurs et des synthés, environ 5 000 fois maintenant. Au début, il était très dubitatif (à l'égard de ma musique), mais depuis il a complètement changé d'avis. Le fait d'absorber ce disque sur le long terme lui a ouvert les yeux sur beaucoup de choses.
J'ai vu sur votre page MySpace une chronique de l'album traduite de l'allemand, via un service du type Babelfish, je suppose : "Qu'ils soient riches tapis de son ou de spacey Geblubber, il donne tous les habituels oblique Thompson compositions sucrées et une facilité, comme elle l'a orienté vers la pop, les premiers albums solo du poids lourd Kodzko tête ne peut plus être entendu."Charles : Nous adorons les traductions Google. Je m'en sers pour poster des infos cryptées sur les blogs ou les forums. C'est curieux de voir à quel point l'Internet abolit les règles. Nous sommes des citoyens comme les autres, qui envoient des messages à leurs amis sur MySpace ou mettent à jour leurs photos sur Facebook. Quand on est un artiste qui publie des disques, même à petite échelle, c'est marrant de pouvoir se laisser aller et ne pas avoir à se la jouer "Moi qui suis un musicien de rock relativement connu, je ne vais pas m'abaisser à interagir avec les fans de manière si informelle."
Violet : Le temps où on prenait des poses est révolu. Le temps est venu d'être extrêmement créatif et productif.
Charles : En ce moment, nous nous amusons à créer
des micro-sites. Nous on avons six ou sept. Nous y mettons des mini-films qui nous ont pris dix minutes à faire. Je ne sais pas si quelqu'un les regarde, mais on se fait plaisir avec cette installation artistique qui change sans cesse.
Vous avez des enfants dont certains son très jeunes. Allez-vous partir en tournée ?Charles : Nous examinons les candidatures de nounous rock 'n' roll. Nous en avons une à Los Angeles qui s'appelle Emma et que nous aimons beaucoup, mais elle n'est pas toujours disponible.
Violet : Des concerts, il va y en avoir. Nous voulons le faire et beaucoup de gens veulent que nous le fassions, ce qui nous fait très plaisir.
Charles : Nous allons essayer de donner quelques concerts en veillant à ce que nos enfants puissent être pris en charge. Ce n'est pas évident, mais ce n'est pas comme si nous en avions assez, comme si nous pensions devoir renoncer à la musique maintenant que nous avons des enfants : "À partir de maintenant, on ira aux rencontres parents-professeurs et on sera pragmatiques." Quel ennui ! On doit trouver le moyen d'être une famille d'artistes. Si Larry Fein des Trois Stooges y est arrivé, je peux y arriver aussi.
Larry Fein était le premier à vivre comme ça ? Je ne connais pas son histoire.Charles : Je me rappelle avoir lu qu'il vivait dans des hôtels avec sa famille. Les parents de notre nounou ont composé
Afternoon Delight, elle a grandi sur la route et dans les studios d'enregistrement. J'ai entendu des musiciens dire "Jamais mon gamin ne sera élevé dans ce milieu horrible." Moi, j'adorerais que mes enfants soient des
entertainers ou des artistes.
Une minute. Ce n'était pas un peu bizarre pour votre nounou de savoir que ses parents ont écrit Afternoon Delight, quand on connaît les paroles de cette chanson ?Violet : Je crois que la chanson parle de sa conception. Je trouve ça génial. Elle a une très grande confiance en elle parce que ses parents ont écrit cette chanson qui parle de faire l'amour et qui est devenue un énorme tube. Difficile de faire mieux.
Charles : Je crois qu'ils ont aussi écrit un des grands succès de John Denver.
Take Me Home, Country Roads.
Charles, allons-nous revoir Black Francis dans le futur ?Charles : Je suppose. J'ai cet album,
The Golem, qui sort bientôt, un beau et grand coffret qui est presque prêt. Je crois que je vendrai ça sur mon site. Les critiques de Grand Duchy sont vraiment bonnes et je me rends compte qu'il y a tout une partie du public que je n'intéresse pas quand je suis seul. Mais s'ils m'entendent dans les Pixies ou avec Violet, je suis équilibré par une présence féminine et ça leur plaît. Je suis prêt à continuer dans cette voie si ça peut nous aider à devenir comme Brad Pitt et Angelina Jolie. Ce serait super.
Entretien : Matthew Fritch