19 h 30 : Old Street Station, je sens qu'il va pleuvoir. Un quartier de Londres que je ne connais pas. Je trouve la rue en question. The Village Underground, devant un mur tagué une queue de taille modeste indique qu'un événement est sur le point de se passer. Je n'ai aucune invitation, aucun pass ou mot de passe. Un homme en noir surveille la queue. Je suis seul sous la pluie faisant mine d'attendre quelqu'un. Un sentiment d'exclusion m'envahit.
Aux alentours de 20 h, Les Pixies sortent de deux voitures noires. Frank Black passe devant moi mais ne me reconnaît pas. Ma propension à changer d'identité et de look tous les 3 mois n'arrange en rien mes affaires. Je ne suis personne et je n'entrerai pas à la galerie ce soir, les hommes en noir me l'ont bien fait comprendre. Je peux partir, mais j'attends encore.
David Lovering, de l'autre côté d'une barrière (l'espace fumeur), discute avec une jeune fille sans pass. Il la fait entrer. Je roule une cigarette dans l'espoir de me la faire allumer par un autre membre du groupe qui sortirait fumer. Pourquoi pas Kim, il paraît qu'elle est gentille. On m'accoste, je tombe sur un Londonien sympa comme moi qui attend. L'on se dit comme un secret un peu honteux que l'on est fan des Pixies depuis toujours et que c'est bien injuste tout ça... Une compatriote francaise nous rejoint et c'est là que l'alchimie se passe. À 20 h 30, un coup de fil, nous suivons le Londonien, et on nous ouvre les portes tout sourire. Je ne cherche pas à comprendre.
Youpi, je suis dedans. Mission accomplie ! Quelque 250 personnes sont là. Sur les murs, devant une scène cachee par un rideau noir, de grandes bannières où sont imprimés des yeux de veau. Sur le côté, deux rangées d'illustrations. L'esprit Pixies version 2 est sur les murs telle une nouvelle campagne de publicité. Légèrement euphorique, je peine à me concentrer sur ces charmantes et froides illustrations. Je cherche Frank Black du regard. Je le trouve dans la foule, il ne ressemble décidement plus à Black Francis... J'apprends qu'il y aurait eu un sondage auprès des invités afin de sélectionner leurs morceaux préferés pour ce soir. J'aurais dit
Manta Ray.
Le bar est
open, deuxième bonne surprise. Il y a de la bière et du vin blanc. Je mélange tout cela pour augmenter mon capital d'ivresse. 15 minutes plus tard, le groupe est requisitionné pour passer
backstage. Le rideau noir tombe, les clameurs augmentent. Voilà les Pixies. Kim Deal, les cheveux courts et le sourire éternel, entonne les chœurs de cette vieille ballade neurotique,
Where Is My Mind. Que l'on ne s'étonne qu'elle soit en première place. La majorité des personnes ici présentes ne sont pas des fans, ce sont des
people et des sous-
people qui ont kiffé
Fight Club.
Frank Black, un rien nonchalent ce soir, sort un bout de papier où figure la setlist et chausse ses lunettes.
Hey!, puis
No. 13 Baby,
Monkey Gone To Heaven,
U-Mass,
Debaser. Ça passe comme une lettre à la poste, ces vieux tubes entrecoupés de petites anecdotes et échanges chaleureux entre Black et Deal, fidèles à leurs habitudes de nouveau millénaire fleurant bon l'armistice et le compromis dans un esprit tout européen.
On apprend entre autre que le personnage velu sur la pochette de
Come On Pilgrim serait Vaughan Oliver lui-même. Passionnant. Et que Kim Deal se fait toujours virer lorsqu'elle joue un morceau des Pixies sur le jeu vidéo
Rock Band... Ah, ah, ah, c'est rigolo quand on connaît l'histoire du groupe. Ça rigole jaune et certains regards ne trompent pas cependant. On passe à
Tame, et là ça devient sérieux, je hurle et saute dans tout les sens au grand dam des invités mais je m'en fous, j'ai 15 ans (de plus).
La prochaine causerie est sur l'ordre des deux prochaines chansons. C'est Frank Black qui aura le dernier mot. Kim Deal enchaîne ses deux chansons,
Gigantic puis
Into The White. David Lovering tape FORT.
Je reprends à boire, la foule n'est pas épaisse et c'est un luxe de pouvoir tranquillement en sortir et s'y replonger en marchant sur les jolies pompes cirées des
trendy people anglais. Je ne sais pas d'ailleurs qui sont tous ces gens bien décoiffés que je ne cherche même pas à reconnaître. Parmi eux se trouveraient un ex des Libertines, le chanteur de My Bloody Valentine, des membres de Klaxons et autres. Tous se ressemblent et s'effacent alors que Black
detune sa guitare. C'est sans aucun doute
Planet Of Sound. C'est bon, ça fait sauter. Surprise, le morceau suivant est
Dig For Fire. Il faudra 3 tentatives d'intro pour que le groupe se mette d'accord. Le morceau passe très bien et on n'a qu'une envie :
All Over The World, mais ce ne sera pas pour cette tournée, je le crains. Enfin,
Bone Machine qui fait swinguer le corps.
Encore.
Wave Of Mutilation (UK Surf),
aborted car Kim ne se souvient pas des notes.
"Shall we go for the fast version?" Non, on reprend calmement et c'est fini. Bon petit concert intimiste mais pas si intimidant que ça. Ah, au fait, il y avait Joey Santiago a la guitare...
Le groupe se mêle la foule. Je m'incruste entre Ding Archer et Frank Black, j'entends parler d'un concert a Paris, j'en profite pour intégrer la conversation. Ce sera en octobre au Zenith. Frank Black me remet vaguement.
"Mais oui, c'est moi, ton plus grand fan depuis toujours, je t'ai offert plein de cadeaux, tu te souviens ?" Je m'abstiens. Il est sollicité de toutes parts et pris en photo, il se plie patiemment au jeu. Lorsque je lui demande quand le
Golem prendra vie, il reste vague. Pas de réponse ce soir, j'ai envie de lui dire de nouveau tout le bien que je pense de lui, mais je crains que cela ne soit inutile. Je m'efface.
Ding, plus réceptif, me fait comprendre qu'il a bien envie de rejouer avec Black... Je l'encourage à l'encourager. J'entame ensuite un débat crucial avec un fan. Le question du soir est de savoir si David Lovering est gay... L'ambiance est sympathique et la bière tout autant, mais le blanc fait mal à la tête. Je m'engage vers Dave, qui chaleureux répond a ma question : Oui, il chantera au sein de The Everybody. Il y aurait 4 chansons déjà enregistrées. Joey, de son côté, affirme qu'il ne chantera pas, comme à son habitude. Je cherche Kim Deal, mais ne parviens pas à la trouver. Dommage.
Les hommes en noir nous font gentiment comprendre que la fête est finie. Je sors et rencontre Bert Genovese de Bobbie Peru, sa copine charmante et Ding Archer de nouveau. On parle rock'n' roll (pour changer) et Paris (rien à voir). Ils m'offrent leur nouvel album et un badge (cool). Nous partons ensemble et ils s'arrêtent au premier pub rencontré L'idée d'une autre bière m'ecœure et j'ai déjà tout oublié des charmantes gens que j'ai rencontrées. J'ai
Bailey's Walk dans la tête. Je réalise que je suis bourré... Je me perds dans Londres et ce n'est que très tard que je retrouverai le chemin de la maison.
Conclusion :Je suis entré au
private show comme prévu. Les Pixies étaient un grand groupe et sont à l'heure actuelle le meilleur
cover band des Pixies. Les chansons ne vieillissent pas, alors que nous et eux si... En voyant Fank Black sur scène, je ne voulais qu'une chose :
Czar,
Pong,
Whiskey In Your Shoes,
Sing For Joy... ou au moins
The Navajo Know,
Rock Music,
Build High. Je me dis que j'ai hâte de retourner à Paris et re-re-reformer mon groupe de rock'n'roll et éditer des coffrets deluxe et jouer dans des caves. Vivement que je trouve
Minotaur aux puces pour 100 euros. J'ai fermement l'intention d'arrêter de boire et je crois que ce récit n'a été qu'un point de vue sur une soirée certes inoubliable.
And the whores like a choir, huh, huh!Yusuf Chicago de Black Français